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Histoire. Anson Burlingame, un Américain devenu une légende dans le monde diplomatique en tant que premier ambassadeur plénipotentiaire de la Chine moderne (1/2)

CHINE ANCIENNE > Histoire

A propos de l’histoire moderne de la Chine, la plupart des Chinois connaissent par coeur le traité de Nankin qui était le premier traité inégal signé par la Chine avec les pays occidentaux vers la fin de la dynastie Qing, suite à la défaite de la Chine dans la première guerre de l’opium contre le Royaume-Uni. Cependant, presque aucun Chinois ne connaît l’existence du premier traité équitable - le traité de Burlingame - que la Chine avait signé avec les États-Unis le 28 juillet 1868 à Washington D.C., vers la fin de la dynastie Qing, à l’initiative de l’Américain Anson Burlingame, qui était alors le premier ambassadeur chinois. Anson Burlingame est devenu une légende dans l’histoire diplomatique en exerçant la fonction d’ambassadeur de la Chine à la fin de son mandat d’ambassadeur des États-Unis en Chine et c’est lui qui a dessiné le premier drapeau chinois. 

Cofondateur du Parti républicain des États-Unis

En 1820, un garçon nommé Anson Burlingame est né à New York, aux États-Unis. Bien que cet enfant ait passé son enfance en constante migration avec ses parents, il était extrêmement intelligent et a obtenu des résultats scolaires brillants. À 26 ans, après avoir obtenu son diplôme à la Faculté de droit de Harvard, il a travaillé comme avocat à Boston avant de devenir le sénateur du Massachusetts en 1853, entrant ainsi officiellement dans l’arène politique.

Anson Burlingame est entré en politique à la veille de la guerre de Sécession, alors que le Nord et le Sud s’opposaient sur la question de l’abolition de l’esclavage. En tant que législateur, Anson Burlingame défendait fermement l’idée que tous les hommes sont égaux et il était un abolitionniste convaincu. Le 2 juin 1856, il prononça ce que le New York Times qualifiait de « discours le plus célèbre » de sa carrière, qui contribuera grandement à l’abolition de l’esclavagisme aux États-Unis.

Pour promouvoir ses idées abolitionnistes, il a créé en 1854, avec un groupe de personnes partageant ses idées, un nouveau parti politique, qui est aujourd’hui le Parti républicain des États-Unis. En tant que cofondateur, Anson Burlingame mérite beaucoup d’égards. Surtout après son élection au Congrès en 1855, il n’a pas ménagé ses efforts pour promouvoir la cause abolitionniste. Quelques années plus tard, Anson Burlingame a pleinement soutenu le jeune candidat républicain, Abraham Lincoln, dans sa candidature à la présidence et dans son élection, ce qui a permis de faire avancer l’abolition de l’esclavage par le biais de la guerre de Sécession.

Anson Burlingame, un Américain devenu une légende dans le monde diplomatique en tant que premier ambassadeur plénipotentiaire de la Chine moderne
Rassemblement massif en faveur des Confédérés à New York, 20 avril 1861. (Image : wikimedia / Winslow Homer / Domaine public)

Pourtant les Noirs d’aujourd’hui, aux États-Unis, soutiennent en grande majorité le Parti démocrate. Le Parti républicain, qui était à l’origine de l’émancipation des esclaves noirs, est aujourd’hui beaucoup critiqué pendant le mouvement de Black Lives Matter. C’est précisément le paradoxe de l’histoire.

Ambassadeur des États-Unis en Chine

Dès son élection en 1861, Abraham Lincoln a nommé l’éloquent Anson Burlingame ambassadeur des États-Unis en Chine pour un mandat de six ans. En juillet 1862,  Anson Burlingame a traversé l’océan Pacifique pour se rendre à Pékin, où il devient l’un des premiers ambassadeurs étrangers installés en Chine.

Après son arrivée en Chine, Anson Burlingame prit un nom chinois basé sur la prononciation de son nom anglais :  Ain’tchen Poo (蒲安臣).

Il est bien connu que la dynastie Qing n’avait aucune notion de la diplomatie moderne avant et même après les guerres de l’opium. Pendant longtemps, elle a considéré les étrangers comme des barbares et ne s’est pas souciée de communiquer avec eux, et encore moins de les traiter sur un pied d’égalité. La raison pour laquelle elle a accepté la présence d’ambassadeurs étrangers était purement une acceptation forcée après la défaite de la deuxième guerre de l’opium.

La plupart des puissances occidentales, telles que le Royaume-Uni, la France et la Russie, ont envoyé leurs ambassadeurs en Chine en tant que vainqueurs, méprisant ainsi les Mandchous stupides et obstinés. Mais Anson Burlingame était une exception.

Non seulement il n’avait pas l’arrogance des autres ambassadeurs, mais il s’était engagé à promouvoir la politique américaine de la « porte ouverte ». Il ne cherchait pas d’intérêts particuliers, mais visait principalement à promouvoir la coopération commerciale sino-américaine. Selon ses propres termes, il a utilisé « une diplomatie impartiale plutôt qu’une diplomatie musclée », il « n’a ni exigé ni occupé de baux dans les ports visés par le traité » et « n’a jamais menacé l’intégrité territoriale de l’Empire chinois ». 

Il a invité des gens à traduire et à financer l’impression des livres sur le droit international pour éclairer les Chinois sur le monde. Il a aidé à la pose des câbles sous-marins pour permettre de faire la communication télégraphique entre Guangzhou et Tianjin. C’est également lui qui, avec le Britannique Robert Hart, directeur du Bureau des douanes maritimes de l’Empire, a parrainé la création du Tongwen Guan, école officielle dirigée par le gouvernement Qing pour former du personnel spécialisé dans les langues étrangères, avec un accent particulier sur l’enseignement des langues occidentales.

Anson Burlingame, un Américain devenu une légende dans le monde diplomatique en tant que premier ambassadeur plénipotentiaire de la Chine moderne
William Alexander Parsons Martin et le corps enseignant de l’Université impériale chinoise. (Image : wikimedia / Not identified / Domaine public)

C’est le style de gentleman franc d’Anson Burlingame qui a fait que la cour impériale des Qing, qui avait toujours détesté les étrangers mais n’osait pas le dire, a regardé Anson Burlingame avec une affection particulière. En 1863 notamment, lorsque la cour impériale des Qing était en conflit avec le Royaume-Uni au sujet de l’achat des navires de guerre, Anson Burlingame s’est rangé du côté de la cour des Qing pour coordonner cette opération, c’est pourquoi le prince Gong, qui était chargé de la diplomatie des Qing à l’époque, lui était très reconnaissant.

Les difficultés de la dynastie Qing en terme de la diplomatie

Le peuple chinois a une longue histoire de diplomatie civilisée, en particulier la diplomatie durant la période des Printemps et Automnes (771 à 481/453 av. J.-C.) et celle des Royaumes combattants (476 av. J.-C.-221 av. J.-C.), outre la recherche du pouvoir et l’intrigue politique, il y a eu aussi la suprématie morale, la douceur et l’élégance de l’esprit aristocratique.

Malheureusement, dans le cycle fermé de l’empire féodal, ces traditions ont fini par disparaître, ne laissant qu’un tas de gens inconscients ayant les yeux plus gros que le ventre, et qui sont surexcités pour entrer en guerre contre le monde.

La dynastie Qing acceptait les ambassadeurs des autres, mais n’envoyait pas ses propres ambassadeurs pour une raison très étrange - parce qu’elle ne pouvait pas résoudre le problème de « l’agenouillement ». Lorsque la Mission de Macartney britannique est arrivé avec des cadeaux au lieu de fusils, il a refusé de s’agenouiller, ce qui a rendu l’empereur Qianlong furieux et a refusé d’ouvrir le commerce.

Anson Burlingame, un Américain devenu une légende dans le monde diplomatique en tant que premier ambassadeur plénipotentiaire de la Chine moderne
Mission Macartney, première mission diplomatique britannique en Chine, qui a eu lieu en 1793. (Image : wikimedia / William Alexander / Domaine public)

Les Occidentaux, qui étaient déjà entrés dans la civilisation moderne, avaient du mal à comprendre l’agenouillement, tandis que les Mandchous, qui rêvaient d’un État suprême, avaient du mal à comprendre le refus des étrangers de s’agenouiller : il y avait un énorme fossé entre les valeurs des deux camps, et donc une incapacité totale à communiquer l’un avec l’autre.

Des difficultés sont alors apparues. La deuxième guerre de l’opium a en fait été déclenchée suite à l’ignorance par les Mandchous des demandes de révision du traité formulées par les puissances occidentales. Dans le traité de Tientsin signé en 1858, les puissances, afin d’empêcher les Mandchous de jouer d’autres tours, ont stipulé que le traité devait être révisé tous les dix ans en fonction de l’évolution de la situation. L’un des éléments clés de la révision était la présence mutuelle d’ambassadeurs.

En 1867, dix ans se sont écoulés et il est temps de réviser le traité, ce qui inquiète la dynastie mandchoue des Qing. Auparavant, ils avaient envoyé des ambassadeurs aux vassaux pour célébrer la grâce impériale et faire de l’esbroufe, mais cette fois-ci, il s’agit d’une rencontre d’égal à égal, mais comment faire ? Quelle étiquette faut-il utiliser pour voir le monarque de l’autre pays ? S’agenouiller n’est pas une forme acceptable pour la cour impériale des Qing, mais au-delà de l’agenouillement, ils ne connaissaient pas les autres règles de l’étiquette diplomatique internationale…

Le prince Gong, chargé de trouver le bon candidat, s’est rendu compte qu’il ne pouvait pas trouver un seul envoyé diplomatique qui ait vu le monde parmi tant de Chinois. Il s’est alors souvenu d’Anson Burlingame, qu’il admirait beaucoup.

Un ambassadeur chinois de nationalité américaine

L’année 1867 coïncidait également avec la fin du mandat de six ans d’Anson Burlingame en tant qu’ambassadeur. Lors du banquet d’adieu organisé par l’organisme gouvernemental chargé de la politique étrangère de la Chine (fondé par le prince Gong), il a déclaré qu’il serait toujours prêt à aider la Chine en cas d’injustice avec d’autres pays à l’avenir.

C’est cet état d’esprit d’Anson Burlingame qui a donné à Yixin une idée originale. Il a audacieusement demandé à la cour des Qing de nommer Po Anchen comme premier ambassadeur plénipotentiaire pour les relations de la Chine avec les pays étrangers. Sa raison était simple : Anson Burlingame avait toujours été en bons termes avec la Chine, non seulement son caractère était digne de confiance, mais il était également très au fait des affaires étrangères. En tant qu’étranger, s’il représentait le gouvernement Qing lors de visites dans des pays étrangers, il pourrait également résoudre facilement le problème d’étiquette le plus embarrassant, à savoir s’il faut s’agenouiller ou non.

La cour des Qing, bien que peu clairvoyante, avait de temps en temps des moments de lucidité. Après avoir évalué la situation, elle accepta cette proposition. Anson Burlingame, qui vivait en Chine depuis longtemps et avait déjà des sentiments pour la Chine, ne s’est pas opposé et a rapidement accepté. C’est ainsi qu’apparut l’une des scènes les plus incroyables de l’histoire de la diplomatie mondiale : un ancien ambassadeur américain, qui venait de quitter son poste, devint immédiatement ambassadeur de Chine, et devait voyager au nom de la Chine !

Anson Burlingame, un Américain devenu une légende dans le monde diplomatique en tant que premier ambassadeur plénipotentiaire de la Chine moderne
L’ambassade Chinois de la dynastie Qing. (Image : wikimedia / Auteur : J. Gurney & Son, photographes / Domaine public)

Afin de donner à la première mission mandchoue une allure digne de ce nom, la cour des Qing a non seulement nommé Anson Burlingame ambassadeur plénipotentiaire, mais a également invité John M. Brown, fonctionnaire de l’ambassade britannique, et E. de Champs, du service des douanes chinoises, comme ses adjoints. Le gouvernement des Qing a également envoyé deux fonctionnaires chinois, ZhiGang et Sun JiaGu, pour accompagner la mission ainsi que des interprètes, des hommes à tout faire et d’autres personnes, cette mission comptait une trentaine de personnes.

La dynastie Qing a d’abord considéré la mission d’Anson Burlingame comme un pis-aller. Mais ils ne pensaient peut-être pas que ce voyage serait l’action diplomatique la plus fructueuse et la plus réussie de la part du gouvernement Qing depuis sa politique de la porte ouverte.

Rédacteur Jessica Wang

À suivre…

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