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Monde. Ressortissants canadiens : le Xinjiang est un immense pénitencier

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Un couple de Canadiens ayant vécu pendant près de dix ans dans la région autonome du Xinjiang, en Chine, a témoigné de la transformation de la région placée sous haute surveillance avec des moyens sécuritaires sans précédent, alors que le génocide à l’encontre des ouïghours par le Parti communiste chinois (PCC) s’intensifiait.

Les canadiens Gary et Andrea Dyck se sont installés au Xinjiang en 2007 et y ont vécu près de dix ans. Dans une interview accordée à l'AFP, Andrea Dyck a déclaré qu’au fil du temps, les musulmans ouïghours étaient confrontés à de plus en plus de restrictions, et qu’une nouvelle règle leur était imposée presque chaque semaine.

Suite aux émeutes de 2009, les quartiers traditionnels ouïghours ont commencé à être démantelés, les gens ont été déplacés vers des immeubles à appartements, loin de leurs communautés. Le PCC a lancé une campagne d’éradication de la culture ouïghoure, en imposant des restrictions sur des sujets tels que l’habillement, la langue, la nourriture et la religion. Andrea Dyck se souvient avoir lu une pancarte dans un marché très fréquenté, indiquant qu’il n’était pas permis de parler dans la langue maternelle ouïghoure.

En 2016, alors que le régime communiste intensifiait la persécution, le couple a rapporté avoir remarqué une présence accrue de policiers patrouillant dans la région, tandis que des caméras de vidéosurveillance étaient installées partout, ainsi que des points de contrôle aux principales intersections. Selon Andrea Dyck, la sécurité nécessaire pour entrer dans une épicerie relevait du niveau d’un aéroport.

Photo d’une zone rurale de la région autonome du Xinjiang en 2014. (Image : Giggs Huang / Flickr / CC BY ND 2.0)

Ensuite sont apparus les tristement célèbres camps d'internement. Les membres de la communauté ouïghoure ont été envoyés dans ces camps, et ils n’étaient pas en mesure de lutter contre la brutalité et la technocratie du régime. Un centre de détention a été construit près du lieu de résidence du couple, et selon Gary Dyck, le lieu était constamment surveillé par des caméras de sécurité et comportait des murs d’enceinte de 4,5 mètres de haut, surmontés de barbelés.

Terrifiés, de nombreux Ouïghours ont eu recours à de fausses annonces sur les médias sociaux pour tenter d’échapper aux autorités. Selon les Dyck, certains jeunes Ouïghours ont posté des vidéos d’eux en train de boire ou de fumer afin de paraître moins musulmans.

« Quelques-uns des amis de notre fils [alors] âgé de 15 ans allaient bientôt avoir 18 ans, et ils avaient peur parce qu’ils allaient avoir l’âge légal et ils se demandaient s’ils allaient ensuite être emmenés dans ces camps, et donc ils redoutaient vraiment d’avoir 18 ans », a déclaré Gary Dyck à l’AFP. « Où [ailleurs] dans le monde un jeune de 17 ans redoute-t-il d’avoir 18 ans ? ».

Le couple a quitté le Xinjiang en 2018, à un moment où de nombreux étrangers ont quitté la région. Gary Dyck a décrit la région comme étant devenue un « immense pénitencier ». Le couple craignait que s’ils restaient plus longtemps, les Ouïghours qui les connaissaient puissent être emmenés dans des camps de concentration simplement pour avoir fréquenté des étrangers.

Génocide, travail forcé et stérilisation forcée

L’aveu de Gary et Andrea Dyck intervient alors que les députés britanniques de la Chambre des communes ont approuvé une motion déclarant que la persécution des Ouïghours par Pékin constitue un génocide. Il est intéressant de noter que le gouvernement de Boris Johnson s’est opposé à la motion, le ministre d’État en charge de l’Asie, Nigel Adams, faisant valoir que même si des preuves solides étayent la qualification de génocide, seuls les tribunaux nationaux et internationaux devraient décider si une situation relève du génocide.

Tim Loughton, député conservateur, a souligné qu’il soulèverait la question de l’érosion de la liberté et de la démocratie à Hong Kong et de la persécution des Ouïghours avec les parties concernées. « Pendant trop longtemps, la Chine s’en est tirée parce que les gens ne l’interpellent pas et ne lui tiennent pas tête. Aujourd’hui, nous continuerons à tenir tête à la Chine, et nous nous joindrons à vous, aux parlementaires et à d’autres personnes dans le monde pour dire à la Chine : Vous ne vous en tirerez plus comme ça. Nous vous interpellons », a-t-il déclaré lors d’un discours.

Une récente révélation de Sky News a mis en lumière un commerce d’esclaves ouïghours via Internet. Selon le média, la main-d’œuvre ouïghoure est vendue par lots de 50 à 100 travailleurs via le géant de l’internet chinois Baidu, la version chinoise de Google. Lorsque Sky News a contacté Baidu pour obtenir un commentaire sur la question, l’entreprise a refusé de répondre. L’une des annonces publiées sur Baidu indique que « la sécurité des travailleurs sera garantie par le gouvernement ».

Rien n’indiquait que les travailleurs seraient indemnisés d’une quelconque manière. Un rapport publié en mars par l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI) estime à environ 80 000 le nombre de Ouïghours qui ont été relocalisés du Xinjiang vers des usines en Chine.

Dans une interview accordée au journal japonais Sankei Shimbun, une gynécologue ouïghoure en exil du nom de Gulgine, a révélé qu’au cours des dernières années, le Xinjiang a connu une campagne de stérilisation forcée, avec près de 80 opérations par jour. Elle a déclaré que de nombreuses femmes ouïghoures ont été emmenées en camion dans un centre de stérilisation où l’intervention a été réalisée sur elles en cinq minutes seulement. Elle a dit que beaucoup de femmes pleuraient, car elles ne savaient pas ce qu’on leur faisait. La gynécologue a admis avoir elle-même pratiqué de telles opérations et avoir elle-même été contrainte de se faire stériliser dans le cadre du projet gouvernemental.

L’hypocrisie des grandes entreprises

Le représentant Drew Ferguson (R-GA) a récemment dénoncé l’hypocrisie des entreprises américaines qui critiquent les lois adoptées par des législateurs américains démocratiquement élus tout en signant des contrats avec la Chine communiste. Cette déclaration fait suite à des reproches formulés par des méga-corporations telles que Delta Airlines, VisacomCBS et Coca-Cola à l’encontre de la Géorgie pour avoir adopté des lois de réforme de l’intégrité des élections parce que ces lois sont censées limiter les droits de vote.

Drew Ferguson a déclaré que les entreprises qui font des affaires avec le PCC manquent de crédibilité sur la question des droits de l’homme. « Je pense qu’il faut dénoncer l’hypocrisie des entreprises », a déclaré Drew Ferguson dans une interview accordée au Breitbart News Daily.

Selon une gynécologue ouïghour en exil du nom de Gulgine, de nombreuses femmes ouïghoures ont été emmenées en camion dans un centre de stérilisation où l’intervention a été réalisée sur elles en cinq minutes seulement. Elle a dit que beaucoup de femmes pleuraient, car elles ne savaient pas ce qu’on leur faisait. (Image : wikimedia / David Stanley from Nanaimo / Canada / CC BY 2.0)

« Si vous allez aller marteler notre législature de Géorgie, tout en continuant à faire voler des avions et à vendre des boissons sucrées en Chine compte tenu de leur bilan en matière de droits de l’homme, alors je pense que vous avez des réponses à apporter. »

Il a poursuivi : « Comment diable pouvez-vous vous en prendre à une loi [électorale] en Géorgie qui est en fait plus large et meilleure, alors que vous signez des accords avec des entreprises chinoises qui gagnent des milliards de dollars et qui tuent toute une génération de Ouïghours ? A quel point est-ce mal ? »

La NBA a notamment fait face à des critiques croissantes pour avoir signé divers accords avec des entreprises chinoises qui utilisent du coton produit à partir du travail forcé au Xinjiang. La star des Golden State Warriors, Klay Thompson, a récemment signé un accord avec le fabricant de vêtements chinois Anta pour un montant de 80 millions de dollars. Anta utilise du coton provenant de la région du Xinjiang, où le PCC gère des camps d’esclavage.

Des marques telles que H&M et Nike sont également soumises à une forte pression pour mettre fin à leurs activités avec les entreprises chinoises qui recourent à ce type de travail.

Rédacteur Fetty Adler

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