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Société. Quand la ville du quart d’heure fascine et fait débat

TENDANCE > Société

Selon les prévisions de l’ONU, d’ici 2050 environ 70% de la population mondiale vivra en ville. Face aux nouveaux défis climatiques, économiques et sanitaires, les urbanistes proposent de nouveaux concepts qui puissent améliorer la vie urbaine des foyers. L’un des concepts le plus en vogue est la « ville du quart d’heure » qui fascine et fait débat. L’expression elle-même a de quoi intriguer.

Comment définir la notion de ville du quart d’heure ?

Carlos Moreno, universitaire franco-colombien et professeur associé à l’Institut d’administration des entreprises de Paris (Université Paris 1-Panthéon Sorbonne), fut le premier à théoriser la ville du quart d’heure. « Concilier les exigences de la ville durable mais également les nouveaux rythmes avec d’autres manières de vivre, d’habiter, de travailler et de prendre du loisir, passe par une transformation de l’espace urbain… », écrit-il le 5 octobre 2016, dans La Tribune. Il précise : « C’est la ville du quart d’heure, de l’hyper-proximité, de " l’accessible " à tous et à tout moment. Celle où, en moins de 15 minutes, un habitant peut accéder à ses besoins essentiels de vie. » Pour Carlos Moreno les 6 fonctions essentielles dans la vie du citadin sont les suivantes : se loger, travailler, apprendre, se soigner, se divertir et s’approvisionner. La ville du quart d’heure garantit à tout habitant le bénéfice de ces fonctions en un quart d’heure à pied ou en 5 minutes à vélo. Le concept repose sur trois principes :

  • Le chrono-urbanisme qui représente la gestion des villes en fonction du temps.
  • La chronotopie impliquant de multiples usages pour un seul lieu. Par exemple, une école peut devenir un centre culturel le soir.
  • La topophilie : c’est l’attachement aux lieux fréquentés par les usagers. Un citadin qui aime les lieux en fera un meilleur usage.

Carlos Moreno préconise une ville polycentrique. Au lieu d’avoir différents quartiers pour chaque fonction (fonction commerciale, fonction professionnelle, fonction sociale) plusieurs fonctions pourraient coexister au sein de la ville du quart d’heure, ce qui serait propice à une « proximité heureuse », et réduirait les effets de l’hyper-mobilité actuelle produisant des déplacements pendulaires longs et pénibles. Il recommande une meilleure gestion de l’espace et du temps pour améliorer la qualité de vie du point de vue social et environnemental.

Quand la ville du quart d’heure fascine et fait débat
Depuis le mois de mai 2020 le maire de Milan, Giuseppe Sala, accorde une place majeure au programme de la ville en 15 minutes pour sortir de la crise sanitaire. (Image : Dimitris Vetsikas / Pixabay)

Un concept qui fait son chemin en France et à l’étranger

L’idée d’abord jugée utopique a séduit de nombreux politiciens, dont la maire de Paris Anne Hidalgo qui a fait de la ville du quart d’heure le thème de sa campagne électorale en 2020. Le quartier des Olympiades situé au cœur du 13ème arrondissement de Paris représente un exemple typique de cette nouvelle urbanité que propose Carlos Moreno. Le quartier avec une population de 10 000 habitants comprend des tours, des galeries commerciales, une école maternelle, deux écoles supérieures, un gymnase, un jardin partagé. Une mairie mobile installée dans un centre culturel permet à la population d’être au plus près des services municipaux. « On sort l’administration de ses murs pour rencontrer directement les habitants près de chez eux », déclare Marie-Anne, la coordinatrice de la mairie mobile du 13ème lors d’un reportage daté du 14 octobre 2021. Ceci correspond au concept de la chronotopie cher à Carlos Moreno : utiliser un lieu pour un usage autre que celui pour lequel il était conçu.

D’autres villes de France, comme Nantes et Mulhouse, expérimentent les principes propres à la ville du quart d’heure. Il en est de même en Europe, à Milan, en Italie. Depuis le mois de mai 2020, le maire Giuseppe Sala accorde une place majeure au programme de la ville en 15 minutes pour sortir de la crise sanitaire. Le 14 septembre 2020, la ville de Dublin a instauré le « Dublin 15 Minute City ». En Amérique du Nord, dans la ville de Portland et à Ottawa, le nouveau concept urbain est à l’ordre du jour.

La ville du quart d’heure est « une voie qui rééquilibre le volet écologique, économique et social. C’est-à-dire une ville qui soit vivable, viable et équitable ». (Image : Jude Joshua / Pixabay)

Un type de ville en butte aux critiques

La ville du quart d’heure n’échappe pas aux critiques. Elle risque de conduire à un certain repli sur soi, une gentrification, estiment les détracteurs. Seule une catégorie de personnes déjà favorisées pourra en bénéficier. D’autres en seront exclus. Par ailleurs, les habitants des zones périurbaines notamment ne peuvent éviter l’usage de la voiture. Sur certaines voies, l’usage du vélo est proscrit et la marche à pied impossible.

Dans les petites villes et les villes moyennes les aménagements requis pour satisfaire aux exigences de la ville du quart d’heure seraient extrêmement coûteux, expliquent certains maires. Carlos Moreno, interpellé sur ces questions, reconnaît au micro de France Inter que la ville de quart d’heure « n’est pas une baguette magique ». Ce type de ville est « une voie qui rééquilibre le volet écologique, économique et social. C’est-à-dire une ville qui soit vivable, viable et équitable ».

Le concept de la ville du quart d’heure a le mérite d’exister et de pointer du doigt des problèmes qui concernent le plus grand nombre.

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