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Nature. Une nouvelle étude révèle des indices permettant de distinguer la partie la plus profonde du noyau terrestre

SAVOIR > Nature

Il n’y a pas si longtemps, on pensait que la Terre était constituée de quatre couches : la croûte, le manteau, le noyau externe (liquide) et le noyau interne (solide). Dans une nouvelle étude publiée dans Nature Communications, nous apportons des preuves supplémentaires de l’existence d’un « noyau interne plus profond », une boule métallique interne distincte encastrée dans le noyau terrestre interne comme la plus petite des poupées russes gigognes.

L’étude du centre de la Terre n’est pas seulement un sujet de curiosité académique, mais elle éclaire l’évolution même de la vie à la surface de notre planète. En effet, le noyau interne se développe vers l’extérieur en solidifiant des matériaux provenant du noyau externe liquide. La solidification de ces matériaux libère de la chaleur et provoque un mouvement ascendant dans la couche liquide, ce qu’on appelle un courant de convection. Cette convection génère à son tour le champ géomagnétique de notre planète. Le champ magnétique protège la vie sur Terre des rayonnements cosmiques nocifs. Sans ce bouclier, la vie sur Terre ne serait pas possible sous la forme que nous connaissons aujourd’hui. La compréhension de l’histoire de l’évolution du noyau interne de notre planète et de son lien avec le champ géomagnétique est donc essentielle pour comprendre la chronologie de l’évolution de la vie à la surface de la Terre.

Étudier l’intérieur de la planète

À l’instar des radiologues qui examinent les organes internes d’un patient, les sismologues utilisent les ondes sismiques produites par les grands tremblements de terre pour étudier l’intérieur profond de la Terre. Les tremblements de terre sont nos sources, et les sismomètres qui enregistrent les mouvements du sol ou les vibrations qui se déplacent à travers la Terre sont nos récepteurs. Cependant, contrairement à l’imagerie médicale, nous n’avons pas le luxe d’avoir des sources et des récepteurs également répartis sur le corps. Les grands tremblements de terre utiles pour nos sondes sont confinés près des marges tectoniques, comme la ceinture de feu qui entoure le Pacifique. Quant aux sismomètres, ils se trouvent principalement sur la terre ferme. En outre, le noyau interne, qui mesure un cinquième du rayon de la Terre, représente moins de 1 % du volume terrestre. Pour cibler ce volume relativement faible au centre de la planète, les sismomètres doivent souvent être positionnés de l’autre côté du globe, ce que l’on appelle l’antipode d’un tremblement de terre.

Mais cela est peu probable dans la pratique, car les antipodes des zones sismiques actives se trouvent souvent dans l’océan, où l’installation des sismomètres est coûteuse. Avec les données limitées dont nous disposons à partir de ces mesures d’antipodes, l’hypothèse d’une boule métallique dans le noyau interne, le noyau le plus interne, a été émise il y a une vingtaine d’années, avec un rayon estimé à environ 300 km. Plusieurs sources de données ont confirmé son existence, y compris des études récentes de notre groupe de recherche.

Des ondes sismiques qui rebondissent

Pour la première fois, nous rapportons des observations d’ondes sismiques provenant de puissants tremblements de terre qui se déplacent d’un côté à l’autre du globe jusqu’à cinq fois, comme un ricochet. Ces nouvelles observations sont passionnantes car elles fournissent de nouvelles sondes sous différents angles de la partie la plus centrale de notre planète. L’un des principaux avantages de notre étude est qu’elle a permis d’obtenir des données provenant de réseaux continentaux denses (composés de plusieurs centaines de sismomètres) installés autour de certains des plus grands tremblements de terre. Elle diffère des études précédentes car elle utilise des ondes sismiques qui rebondissent plusieurs fois à l’intérieur de la Terre, le long de son diamètre et à travers son centre. En les captant, nous obtenons un échantillonnage inégalé du noyau le plus interne.

Une boule au centre

La différence de potentiel entre la boule métallique la plus interne et l’enveloppe externe du noyau interne ne réside pas dans sa composition chimique, comme c’est le cas pour d’autres couches terrestres. Les deux sont probablement constituées d’un alliage de fer et de nickel avec de petites quantités d’éléments chimiques plus légers. En outre, la transition entre la boule la plus interne (solide) et l’enveloppe externe du noyau interne (également solide) semble progressive plutôt que brutale. C’est pourquoi nous ne pouvons pas l’observer en réfléchissant directement les ondes sismiques. Cela diffère des études précédentes qui ont mis en évidence des limites nettes entre les autres couches de la Terre de la croûte au manteau, par exemple. Qu’avons-nous donc observé précisément qui nous donne des indices sur ce noyau interne le plus profond ?

La différence observée réside dans l’anisotropie, c’est-à-dire la propriété d’un matériau de laisser passer (ou de propager) les ondes sismiques plus ou moins rapidement en fonction de la direction dans laquelle elles se déplacent. Les différences de vitesse pourraient être dues à des arrangements différents des atomes de fer à des températures et des pressions élevées, ou à l’arrangement des atomes lors de la croissance des cristaux. Il existe des preuves solides que l’enveloppe externe du noyau interne est anisotrope. La direction la plus lente des ondes sismiques se situe dans le plan équatorial (et la plus rapide est parallèle à l’axe de rotation de la Terre). En revanche, dans la partie la plus interne du noyau interne, comme le montre notre étude des ondes de ricochet, la direction de propagation la plus lente forme un angle oblique avec le plan équatorial. C’est un point critique, et c’est pourquoi nous pouvons dire que nous avons détecté une anisotropie « distincte » dans la partie la plus interne du noyau.

Il est passionnant de constater que si les structures superficielles de la croûte terrestre et du manteau supérieur sont cartographiées avec une précision incroyable, nous n’en sommes encore qu’au stade de la découverte des structures les plus profondes. Toutefois, l’image de l’intérieur profond de la Terre devient plus nette avec l’expansion des réseaux continentaux denses, les techniques avancées d’analyse des données et les capacités de calcul.

Cet article est republié de The Conversation sous une licence Creative Commons. Lire l’article original.

Thanh-Son Pham, chercheur postdoctoral en géophysique, Université nationale australienne et Hrvoje Tkalčić, professeur, chef de la géophysique, directeur du Warramunga Array,  Université nationale australienne.

Rédacteur Fetty Adler
Collaborateur Jo Ann

Source : In a New Study, We’ve Observed Clues that Distinguish the Very Deepest Part of Earth’s Core
www.nspirement.com

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