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Nature. Lapis-lazuli : le pigment minéral qui, une fois purifié, se vendait autrefois au prix de l’or

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Le bleu intense a toujours été une couleur importante dans les œuvres d’art traditionnelles pour symboliser la beauté céleste, la majesté et la perfection. Un pigment minéral qui provient du Lapis-lazuli et a souvent été considéré comme le plus cher jamais créé : coûtant plus que son poids en or.

Le bleu outremer est un pigment dérivé de la roche broyée du lapis (pierre) lazuli (azur, ou bleu). La teinte bleue profonde est due à la présence de grandes quantités de lazurite, un minéral de sodalite bleu. Le lapis-lazuli se compose principalement de lazurite, avec des veines blanches de calcite et des éclaboussures dorées de pyrite, qui se combinent pour former un pigment opalescent.

La longue histoire de ce pigment minéral

Le pigment minéral a été utilisé dès le VIe siècle de notre ère, sur des figures en céramique représentant d’anciens Sogdiens (marchands de la route de la soie) découvertes dans les tombes de la dynastie Wei à Luoyang. La grotte des Mille Bouddhas à Guangyuan, qui date du VIIe au Xe siècle (dynastie Tang), est ornée de peintures murales où la pierre de lazurite a également été trouvée.

Les miniatures des périodes perse et moghole ont atteint leur apogée aux XVe et XVIe siècles. Dans ses remarquables miniatures, Kamal-ud-din Behzad (1450-1535) a fait grand usage de la beauté et de la durabilité du pigment lapis. La même beauté du lapis peut être observée dans les miniatures mogholes, qui n’ont pas pâli avec le temps.

Des découvertes récentes montrent que les pigments de lapis-lazuli étaient également utilisés dans la production de manuscrits enluminés. À Dalheim, en Allemagne, une femme d’âge moyen a été enterrée dans un complexe église-monastère datant du IXe au XIVe siècle et on a découvert dans son tartre dentaire un pigment bleu outremer dérivé du lapis-lazuli.

Le pigment a été identifié comme une poudre dont la taille et la composition correspondent à celles du pigment bleu outremer dérivé du lapis-lazuli. Il semble que la dame était très probablement un peintre de manuscrits religieux hautement décorés. Elle constitue la première preuve directe de l’utilisation de la couleur outremer par une femme religieuse en Allemagne.

La pierre précieuse

L’Afghanistan a longtemps été le principal fournisseur de lapis-lazuli. Il a été extrait dans les grottes Sar-i Sang et Shortugai du Badakhshan dès le VIIe millénaire avant notre ère. Marco Polo a écrit : « Il y a une montagne dans cette région où l’on trouve le meilleur azur (lapis-lazuli) du monde. Il apparaît dans les veines comme des stries d’argent ».

Comme d’autres pierres précieuses bleues, le lapis-lazuli est spirituellement associé à une conscience supérieure. Il a souvent été utilisé pour la méditation et certains pensent qu’il facilite l’ouverture du troisième œil, ou sixième chakra. Un œil sculpté dans la pierre et serti d’or est considéré en Égypte comme une amulette puissante.

Beaucoup considèrent la pierre comme un symbole de vérité et de justice. Dans le mythe sumarien, Inanna, la déesse de l’amour, se rend aux enfers pour assister aux funérailles de son beau-frère, portant des perles de lapis-lazuli et un bâton fait de cette pierre précieuse. En entrant, elle est dépouillée de toutes ses parures, et donc de son pouvoir, et elle est condamnée à mort.

Inanna est finalement sauvée, mais sa sœur insiste pour que quelqu’un d’autre prenne sa place après son départ. Inanna découvre que son mari n’a pas pleuré son absence et qu’il est heureux avec des esclaves. Elle le choisit donc, plutôt qu’un de ses serviteurs qui l’avait pleurée comme il se doit, pour être envoyé aux enfers à sa place. Justice rendue.

Application et modification en Occident

Après son introduction en Europe par des marchands italiens aux XIVe et XVe siècles, le pigment fut connu sous le nom d’outremer, du latin ultramarinus, qui signifie littéralement « au-delà de la mer », mais qui pourrait aussi faire allusion à l’intensité de la couleur, qui semble scintiller comme l’eau en mouvement une fois appliquée sur la toile.

La Vierge en prière, par Sassoferrato, (1640-50) Le coût du pigment naturel outremer était si élevé que son utilisation était limitée aux peintures les plus sacrées. (Image : wikimedia /Giovanni Battista Salvi da Sassoferrato / Domaine public)

Le processus d’extraction était laborieux et coûteux, le pigment minéral était inaccessible pour les artistes actifs de la Renaissance et il était généralement réservé aux peintures les plus sacrées. On dit même que Michel-Ange a laissé son tableau La Mise au tombeau inachevé parce qu’il ne pouvait pas se permettre d’acheter le précieux pigment. Raphaël a construit ses bleus avec des pigments moins coûteux et n’a appliqué l’outremer que sur la dernière couche.

Un prix de 6 000 francs est proposé pour développer un outremer synthétique. Un chimiste français,Jean-Baptiste Guimet et un professeur allemand, Christian Gmelin, se sont tous deux présentés pour le réclamer. Des deux, Jean-Baptiste Guimet se targue d’avoir découvert sa solution en premier et son pigment artificiel a été développé en 1826 pour devenir l’outremer français largement accessible.

Comme le pigment synthétique est dépourvu des impuretés minérales naturelles, il offre une couleur encore plus vive et plus pure, ce que certains trouvent choquant. Des peintres comme Andrew Wyeth ont préféré s’en tenir à la tradition. Il broyait son propre pigment minéral, malgré le coût élevé, pour obtenir une couleur subtilement plus douce.

Comme l’a dit un jour le critique d’art John Ruskin, « La couleur bleue est éternellement désignée par la déité comme une source de plaisir et qu’elle soit vue perpétuellement au-dessus de votre tête, ou cristallisée une fois tous les mille ans en une pierre unique et incomparable, votre reconnaissance de sa beauté est tout aussi naturelle, simple et instantanée. »

Rédacteur Swanne Vi

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