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Culture. Jean de La Fontaine : petite analyse de deux fables pour illustrer le génie de l’auteur

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Jean de La Fontaine, l’un des écrivains les plus brillants du Grand Siècle, styliste hors pair, s’est distingué par ses fameuses fables destinées à instruire et divertir. Cet article, à l’aide de deux fables emblématiques va nous plonger un instant dans le monde du célèbre moraliste, un monde plus complexe qu’il n’y paraît.

Jean de La Fontaine : portrait

Jean de La Fontaine est né en 1621 à Château-Thierry dans une famille bourgeoise d’un père conseiller du roi et maître des Eaux et Forêts, Charles de La Fontaine et d’une mère originaire du Poitou, Françoise Pidoux. Scolarisé dans sa ville natale, il met fin à des études ecclésiastiques après un an pour revenir vers le droit qu’il étudie à Paris. Il devient avocat en 1649 après avoir épousé la très jeune Marie Héricart. En 1652, il suit les traces de son père en devenant maître des Eaux et Forêts. Observer les animaux et la vie champêtre lui servira de tremplin pour sa future carrière littéraire car le jeune La Fontaine s’est toujours intéressé aux belles-lettres.

Installé à Paris dès 1658, Jean de La Fontaine se rapproche des salons littéraires et se place sous la protection du super intendant des finances Nicolas Fouquet auquel il va dédier deux œuvres, Adonis et Le Songe de Vaux. Mais le puissant Nicolas Fouquet qui aspirait à la fonction de Premier ministre tombe en disgrâce. Il est arrêté puis emprisonné sur ordre du roi Louis XIV. La Fontaine se tourne vers d’autres protecteurs, notamment Madame de La Sablière. Si la publication de ses Contes lui apporte ses premiers succès littéraires à partir de 1665, la consécration apparaît avec son œuvre maîtresse Les Fables dont le premier recueil est publié en 1668, le deuxième en 1678 et le dernier en 1693. Entre temps, en 1683, malgré l’opposition du Roi Soleil, La Fontaine finit par être admis à l’Académie française où dans la Querelle des Anciens des Modernes, il adopte le parti des Anciens aux côtés de Racine et Boileau. L’Antiquité gréco-latine reste en effet sa principale source d’inspiration.

Jean de La Fontaine : petite analyse de deux fables pour illustrer le génie de l’auteur
Le Loup et l’Agneau, dixième fable publiée en 1668 dans le premier recueil de fables est l’une des fables les plus connues et les plus lues de Jean de La Fontaine. (Image : wikimedia / Gustave Doré / Domaine public)

La fable Le Loup et l’Agneau 

Pour rappel, une fable est, par définition, un « récit allégorique dont on tire une moralité ». Le Loup et l’Agneau, dixième fable publiée en 1668 dans le premier recueil de fables est l’une des fables les plus connues et les plus lues de Jean de La Fontaine. La morale énoncée dès l’abord, « La raison du plus fort est toujours la meilleure » comme une sorte de vérité au caractère inéluctable plante le décor. Celui qui a la force physique, le loup, est celui qui aura raison envers le plus faible, l’agneau. Le titre met en exergue l’opposition entre le loup, symbole de la force et l’agneau, symbole de la faiblesse. La fable dans son ensemble semble bâtie sur l’opposition et le contraste. Tout au long du récit la mauvaise foi du loup s’oppose à l’honnêteté de l’agneau. La politesse de ce dernier s’oppose à la brutalité du loup, « cet animal plein de rage ». En outre, l’agneau dans l’imaginaire collectif évoque le sacrifice tandis que le loup représente la domination aveugle. L’issue fatale, où l’agneau est dévoré par le loup se déroule « sans autre forme de procès », ce qui souligne l’injustice d’une réalité sociale dénoncée habilement par Jean de La Fontaine. Les puissants, qu’il s’agisse des seigneurs ou du roi arrivent toujours à leurs fins, suggère-t-il.

Pessimisme ou lucidité de l’auteur ?

La Fontaine dénonce l’injustice sociale dans d’autres fables, notamment Les Animaux malades de la peste, dont la morale enseigne que « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». Son ami Nicolas Fouquet victime de la vindicte royale mourut en prison et il dut lui-même payer cher sa fidélité à l’ancien ministre déchu. Jean de La Fontaine loin d’être pessimiste jette un regard lucide sur la société de son temps. Moraliste plus que moralisateur, il cherche à mettre en garde contre certains travers humains en particulier la mauvaise foi des puissants. « La justice sans force est impuissante et la force sans justice est tyrannique » disait Pascal. Selon cette approche, la force devrait appartenir aux justes.

Jean de La Fontaine : petite analyse de deux fables pour illustrer le génie de l’auteur
La fable Le Lion et le Rat relate l’histoire d’un lion délivrant un jeune rat « qui sortit de terre assez à l’étourdie » pris entre ses pattes. (Image : wikimedia / Jean de La Fontaine / Domaine public)

La fable Le Lion et le Rat

Une autre fable, Le Lion et le Rat, fable publiée également en 1668 retient notre attention. Elle relate l’histoire d’un lion délivrant un jeune rat « qui sortit de terre assez à l’étourdie » pris entre ses pattes. Par la suite, le petit rat par gratitude délivre son puissant bienfaiteur. Dénouant méticuleusement toutes les mailles qui emprisonnent le lion, il finit par le libérer. Comme toutes les fables, celle-ci est une allégorie, où le lion symbolise les forts tandis que le rat symbolise les êtres plus faibles. La narration se termine en faveur du lion récompensé pour son acte de compassion envers le rat qui à son tour le sauve.

Une double morale

La première morale, « On a toujours besoin d’un plus petit que soi » montre que les faibles peuvent eux aussi secourir les forts. La faiblesse au gré des situations peut devenir une force. Il vaut mieux se respecter les uns et les autres, chacun ayant ses qualités et ses défauts… La seconde morale dit ce qui suit :

Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage

Cette morale souligne les bienfaits de la patience. Diverses traditions voient en elle une vertu essentielle. La patience « la mère de toutes les vertus » permet de surmonter les obstacles et de gérer ses émotions, d’où une meilleure maîtrise de soi. À l’inverse, la rage et la passion incarnés par le lion ne donnent aucun résultat.

Sous la plume magistrale de Jean de la Fontaine, les fables sont devenues de subtils concentrés de sagesse populaire solidement ancrés dans notre patrimoine culturel.

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