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Monde. L’initiative Belt and Road de la Chine perd de l’argent partout dans le monde

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L’ambitieuse initiative « Belt and Road » (BRI), qui en est à sa neuvième année d’existence, est peut-être sur le point de s’effondrer.

Le Parti communiste chinois (PCC) avait d’abord présenté la BRI comme un moyen de mondialiser la Chine via la création de réseaux commerciaux et d’infrastructures innovants qui la relieraient au reste du monde.

L’initiative « Belt and Road » a été mise en place en 2013

Inaugurée en 2013, la BRI visait à « faciliter le commerce et à promouvoir la connectivité et la coopération entre les pays d’Eurasie et certains pays africains ». L’initiative prévoyait également de développer deux nouvelles routes commerciales reliant l’Asie à l’Europe.

Aujourd’hui, certains disent que le projet pourrait être irréalisable, car les défis financiers et logistiques engendrés par la guerre en Ukraine, ainsi que la montée des tensions géopolitiques et les sanctions radicales imposées à la Russie, un partenaire commercial clé pour la Chine, menacent de le faire complètement dérailler.

Alors que la BRI a eu une emprise sur le reste du monde pendant une bonne partie de la dernière décennie, le projet est maintenant confronté à une montagne de défis : l’invasion de l’Ukraine l’obligeant à restructurer les routes de fret vitales qui entrent en Europe.

Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, début février, la Chine a été contrainte de réorienter un passage terrestre essentiel passant initialement par Moscou, via des routes terrestres plus lentes à travers le Belarus, la Pologne, ainsi que d’autres pays d’Europe de l’Est.

Selon un rapport du China-Lusophone Brief, la Russie était la première destination en ce qui concerne les développements de la BRI, tant en nombre qu’en valeur, avec 122 projets évalués à 287 milliards de dollars. Mais aujourd’hui, alors que la Russie est manifestement coupée du système bancaire mondial, la hausse des coûts de la main-d’œuvre et d’autres problèmes logistiques ont entraîné des pertes catastrophiques pour le secteur européen de la BRI.

Les liens commerciaux étroits entre la Chine et l’Ukraine constituent un autre obstacle à la mise en œuvre de la BRI. Considérant qu’il s’agit de l’une de ses « portes d’entrée en Europe », la Chine a été contrainte d’attendre beaucoup plus longtemps pour que ses expéditions entrent en Europe via l’Ukraine. Pour aggraver les choses, la plupart des trains qui retournent en Chine ne transportent souvent aucune marchandise, ce qui entraîne des pertes économiques massives pour toutes les parties concernées.

Les données du Service national des statistiques de l’Ukraine ont permis de mettre en avant que la Chine est devenue le premier partenaire commercial de l’Ukraine en 2019, le commerce global s’élevant à 18,98 milliards de dollars américains l’année dernière.

Des tensions géopolitiques liées à la BRI

Bon nombre des défis auxquels la BRI est confrontée sont également antérieurs à l’invasion de l’Ukraine. Ainsi, les milliards de dollars liés aux accords énergétiques russes ont été un autre facteur clé.

Malgré la pression croissante des États-Unis et de leurs alliés, qui exigent que Pékin prenne position sur la guerre menée par le Kremlin, la Chine n’a pas condamné Moscou, mais a plutôt critiqué l’OTAN pour avoir attisé les tensions.

Certains observateurs ont noté que les autorités communistes craignent peut-être une extension des sanctions occidentales à la Chine et se retrouvent dans la position compliquée où elles doivent rester « neutres » aux yeux du public, alors que des milliards de dollars sont liés à des contrats énergétiques russes ainsi qu’à ses affaires avec l’Ukraine.

« La Chine est dans une situation perdante par rapport à l’Ukraine », a déclaré Elizabeth Wishnick, chercheuse principale à la CNA, une organisation de recherche et d’analyse à but non lucratif basée aux États-Unis. « Si un État fantoche russe [en Ukraine] résulte de ce conflit, les entreprises chinoises feront face à des sanctions et il y aura des limites auto-imposées à l’activité commerciale et aux liens intergouvernementaux, comme en Crimée ».

Elisabeth Wishnick a ajouté que « si l’Ukraine conserve son autonomie et sa souveraineté, la Chine devra faire face à des coûts de réputation en raison de la perception répandue aux États-Unis et en Europe que le gouvernement chinois a été un facilitateur, voire un partisan, de l’agression russe ».

Le président sri-lankais Gotabaya Rajapaksa a demandé à la Chine une prolongation des prêts, au début de l’année. Il a cependant l’obligation de rembourser la totalité des 6,9 milliards de dollars de la dette extérieure. Le pays en proie à des difficultés économiques a depuis accepté de louer son port d’Hambantota à la Chine, pour une durée de 198 ans. (Image : wikimedia / Mr Jorge Cardoso / Ministério da Defesa / CC BY 2.0)

La diplomatie du piège de la dette

Les défis de l’initiative « Belt and Road » de la Chine ne sont pas seulement liés à l’Europe. Les protestations qui éclatent dans le monde entier sont également inhérentes au projet chinois. Récemment, le Sri Lanka a été impliqué dans une série de manifestations violentes contre la mauvaise gestion de l’économie par le gouvernement, ce qui a entraîné des pénuries de produits de première nécessité et de longues coupures de courant dans tout le pays.

Dans le passé, l’adhésion à la BRI s’accompagnait également de fortes perspectives de financement, souvent pour de grands projets d’infrastructure. Aujourd’hui, cependant, les banques exigent des études de faisabilité dans un contexte d’endettement croissant et de corruption endémique, en Afrique, et dans certains pays de la région Asie-Pacifique.

Les experts ont également noté que les problèmes économiques du Sri Lanka découlent de sa dépendance commerciale avec la Russie, l’Ukraine et la Chine. Selon les données de la Banque mondiale, « le Sri Lanka a une dette totale de 35 milliards de dollars, dont 6 milliards sont dus à la Chine pour des prêts destinés à financer des projets de la BRI gérés par des entreprises chinoises ».

Bien que le président sri-lankais Gotabaya Rajapaksa ait demandé à la Chine une prolongation des prêts au début de l’année, ainsi qu’une restructuration de la dette, il a tout de même été sommé de rembourser la totalité des 6,9 milliards de dollars de la dette extérieure. Le pays en proie à des difficultés économiques a depuis accepté de louer son port d’Hambantota à la Chine pour 198 ans, ce qui suscite des inquiétudes quant à la possibilité que le PCC utilise ce port pour y installer une base navale chinoise.

La Chine obtient des faveurs via la BRI

Le PCC a également utilisé la BRI pour s’implanter stratégiquement dans le monde. Après que la Chine a réalisé un investissement important dans le secteur immobilier grec, le gouvernement grec s’est opposé à la publication d’un communiqué de l’UE dénonçant les violations des droits de l’homme commises par la Chine.

« Par le biais de son initiative " Belt and Road ", la République populaire de Chine (RPC) a tiré parti de ses investissements à l’étranger pour contraindre d’autres pays à prendre des décisions sous-optimales en matière de sécurité », a déclaré le secrétaire américain à la défense, Mark Esper.

En outre, les trois gazoducs chinois d’Asie centrale passent par le Kazakhstan. « Au Kazakhstan, la Chine a investi des dizaines de milliards de dollars, principalement dans son secteur énergétique lucratif, et a utilisé le pays comme rampe de lancement pour son initiative " Belt and Road " », a annoncé Radio Free Europe.

Rédacteur Jean-Baptiste Adrien-Clotaire

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