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France. Fin de vie : le Sénat favorable à un accompagnement fondé sur une éthique du soin

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À la fin de l’été 2022, le président de la République avait souhaité encadrer la fin de vie et plus précisément l’aide active à mourir, à travers un nouveau projet de loi qui devait être présenté avant le 21 septembre 2023. Bien que la Convention citoyenne sur la fin de vie ait préconisé l’introduction, sous conditions, du suicide assisté et de l’euthanasie, dans son rapport final, la commission des affaires sociales du Sénat priorise une approche fondée sur une éthique du soin.

« Le cadre de la fin de vie est-il adapté ? »

La Convention citoyenne sur la fin de vie devait se prononcer sur une question : « Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? ». Le 2 avril 2023, après neuf sessions de travail et 27 jours de débat, elle a proposé une évolution du droit vers une aide active à mourir.

Le rapport remis au président de la République soulignait « une inégalité d’accès à l’accompagnement de la fin de vie », « une absence de réponses satisfaisantes face à certaines situations de fin de vie, notamment dans le cas de souffrances physiques ou psychiques réfractaires ». Il recommandait le « développement des soins palliatifs " pour toutes et tous et partout " ». Dans ce rapport, la Convention s’est prononcée à 75,6 % « en faveur d’une aide active à mourir, considérant que le cadre légal en vigueur (la loi Claeys-Leonetti de 2016) est insuffisant ».

Sur la question du suicide assisté ou de l’euthanasie, la Convention a proposé « une mise en place conjointe des deux, considérant que choisir une des deux solutions ne répondrait pas à la diversité des situations rencontrée ».

Le rôle des soignants et la « clause de conscience »

De manière à poursuivre le calendrier fixé par le chef de l’État pour un « modèle français de la fin de vie », Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé auprès du ministre de la Santé et de la Prévention, s’était engagée dès le 6 juin 2023 à « Co construire le projet de loi sur la fin de vie avec les parlementaires et les soignants ».

Au-delà du clivage gauche-droite au sein des sénateurs, ce sont surtout les professionnels de santé qui ont mis en avant leur éthique professionnelle, face à la mise en œuvre de l’aide active à mourir. « La clause de conscience », qui selon les paroles de la ministre « s’appliquera dans un cadre restant à définir, tout comme il existe une clause de conscience pour les médecins qui ne veulent pas réaliser une IVG », ne semble pas pouvoir répondre à leurs « inquiétudes ». Ainsi, un collectif de quinze organisations de santé ont écrit, le 20 juin, à Mme Firmin le Bodo, pour marteler leur refus de voir les médecins contraints de mettre en œuvre l’aide active à mourir, peut-on lire dans un article du Monde.

S’exprimant au nom de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), Ségolène Perruchio, chef de service des soins palliatifs d’un Centre hospitalier dans les Hauts-de-Seine, a précisé : « Nous sommes légitimes pour définir ce qui dépend de notre responsabilité professionnelle. Nous ne voulons pas que tous les soignants soient tenus de donner la mort ».

L’homme de science semble vouloir emprunter la route du contrôle du début à la fin de la vie. Mais les lois de l’humanité et les croyances ouvrent une tout autre route. (Image : ilariaurru / Pixabay)

Privilégier un « modèle français » de l’éthique du soin, fondé sur l’accompagnement

Le rapport d’information n° 795 (2022-2023), déposé le 28 juin 2023 par la commission des affaires sociales appelle de son côté à « privilégier un modèle français de l’éthique du soin, fondé sur l’accompagnement et une offre effective de soins palliatifs, non sur un accès au suicide assisté ou à l’euthanasie ».

Dans la synthèse du rapport, les trois rapporteures « regrettent que le cadre actuel du débat sur la fin de vie, dicté par une commande de l’exécutif dont la motivation, incertaine, impose un agenda et des conclusions écrites par avance : il faudrait ouvrir un droit à une aide active à mourir ».

Il est aussi avancé qu’à la question posée par la Première ministre « Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? », la Convention citoyenne n’a pu répondre autrement que par la négative.

« Il semble donc illusoire de penser que les verrous posés sur la procédure dans un premier texte, pourraient constituer de sérieuses garanties de sécurité pour l’avenir. Des évolutions législatives ultérieures seraient toujours présentées comme des ajustements, éventuellement justifiés par l’application du principe d’égalité et une conception toujours plus subjective de la dignité, conformément à la rhétorique des droits subjectifs dans laquelle est formulée la demande d’aide active à mourir », est-il aussi posé en terme d’alerte par les rapporteures.

La fin de vie : « des critères matériels d’accès au dispositif complexes à définir »

Les modalités de réalisation de l’acte sont aussi questionnées : elles « sont aussi délicates à arrêter que les critères matériels d’accès au dispositif sont complexes à définir ». Il semble donc difficile d’encadrer ce dispositif légalement car « aucune réponse précise ne peut être apportée de manière satisfaisante, si du moins l’on prétend encadrer solidement le dispositif ».

En outre, la commission adhère aux réticences des soignants, quant « à leur participation aux actes d’euthanasie ou de suicide assisté ». « Ces derniers ne relèvent pas du soin, et pourraient créer une confusion dans la relation entre le patient et les soignants qui l’accompagnent », avance la commission.

Les rapporteures avancent que « Les effets collatéraux, raisonnablement prévisibles de l’aide active à mourir pour la société tout entière, éclipseraient les gains de liberté et d’apaisement apportés au petit nombre qui aspire réellement à pouvoir en disposer ».

Dans leur rapport, les rapporteurs concluent que « Le modèle français de fin de vie que la commission appelle de ses vœux, ne peut ainsi être que celui de l’accompagnement solidaire, fondé sur une éthique du soin. Un tel modèle doit être facteur de solidarité à l’égard des plus vulnérables, accompagnés jusqu’au bout selon leurs choix, partout sur le territoire ; facteur de revalorisation du rôle des soignants, majoritairement hostiles à la réalisation d’un acte d’aide à mourir, et en quête de sens dans leur métier ; et facteur d’espoir pour chacun dans la vie collective, porteuse de sollicitude. Il repose essentiellement sur deux piliers : la préservation du trésor national que constitue la loi Claeys-Leonetti, et l’application des recommandations du précédent rapport de la commission sur les soins palliatifs »

La fin de vie questionne tout un chacun : mais peut-on réellement aider l’autre à mourir ?

Dans le Serment d’Hippocrate, considéré comme un des textes fondateurs de la déontologie médicale, il est écrit : « Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité ». « Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. »

Le Comité national consultatif d’éthique s’était prononcé dans son avis 139, précisant qu’« il existe une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir, à certaines conditions strictes, avec lesquelles il apparaît inacceptable de transiger ».

Peut-on dans ces circonstances aborder en toute conscience la fin de vie et surtout l’aide active à mourir ? L’homme de science semble vouloir emprunter la route du contrôle du début à la fin de la vie. Mais les lois de l’humanité et les croyances peuvent ouvrir une tout autre route.

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