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Chine. Les chiffres de la croissance chinoise seraient utopiques

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Xiang Songzuo, professeur d’économie à l’Université Renmin de Chine précise qu’il est impossible que l’économie puisse croître au rythme annoncé par le gouvernement. (Image : Capture d’écran / Youtube)
 

Le 18 octobre dernier, le gouvernement chinois a publié ses statistiques de croissance du PIB pour le troisième trimestre, affirmant que l’économie avait progressé de 6,0 %, soit 0,1 % de moins que prévu selon une analyse de Reuters.

Mais selon un universitaire qui a donné, en décembre dernier, une conférence très médiatisée sur l’économie chinoise, la situation est en fait bien pire.

Xiang Songzuo, professeur d’économie à l’Université Renmin de Chine, a publié le 19 octobre un bref commentaire en ligne, affirmant qu’en raison de la hausse médiocre des salaires, et du peu de bénéfices des entreprises chinoises, il était impossible que l’économie puisse croître au rythme annoncé par les autorités.

« Si vous regardez les bénéfices des sociétés, les recettes fiscales et d’autres indicateurs, vous constaterez que les choses ne concordent pas et que le taux de croissance officiel du PIB est clairement gonflé. Dans les domaines des recettes fiscales et des bénéfices des sociétés, il s’agit surtout d’une " croissance négative ". Les recettes fiscales nationales ont également connu une croissance négative au cours des trois premiers trimestres. Comment est-il possible que le PIB ait augmenté de 6 % ? », a écrit Xiang Songzuo. Son commentaire a été traduit et publié le 23 octobre par le site China Change (à but non lucratif).

Xiang Songzuo avait déjà attiré l’attention de la communauté internationale l’hiver dernier, lors de sa conférence du 16 décembre 2018, expliquant les diverses failles de l’économie chinoise. Bien que diffusé sur YouTube et sur d’autres sites, son discours s’adressait à un public fermé, et la vidéo a été censurée en Chine.

À ce moment là, selon le Bureau national des statistiques de la Chine, la croissance du PIB était de 6,5%. Cependant, Xiang Songzuo a déclaré qu’une autre « institution importante » avait dressé un tableau tout à fait différent sur la base d’autres données du NBS. (National Bureau of Statistics of China)

Xiang Songzuo avait précisé à l’époque « Ils ont utilisé deux mesures ». « Selon la première estimation, la croissance du PIB de la Chine pour cette année était d’environ 1,67 %. Et d’après l’autre calcul, le taux de croissance était négatif ».

Le texte intégral du discours de Xiang Songzuo du 16 décembre a été traduit par China Change. Son commentaire récent a été effacé de WeChat et Weibo, les sites de médias sociaux chinois où il avait été diffusé à l’origine.

La vidéo du discours de Xiang Songzuo a été censurée en Chine. (Image: YouTube / Screenshot)
La vidéo du discours de Xiang Songzuo a été censurée en Chine. (Image : Capture d’écran / YouTube)
 

Baisse de la confiance des entrepreneurs

Dans sa note, Xiang Songzuo a déclaré que « au sein des diverses perturbations de l’année dernière », le gouvernement chinois n’avait pas réussi à créer un environnement sain pour le secteur privé, mais que le Parti communiste chinois continuait à semer le trouble. Cet échec a conduit à un manque de confiance chez ceux qui envisageaient de diriger des entreprises ou de faire des investissements.

« Le manque de confiance des entrepreneurs, avec la forte baisse des investissements dans le secteur manufacturier, est la principale raison du ralentissement rapide de la croissance économique », a déclaré M. Xiang. 

« Comment restaurer et renforcer la confiance des entreprises privées ? Sans une réforme majeure comme le Southern Tour de Deng Xiaoping en 1992, ce sera difficile ».

Le Southern Tour de 1992 était un voyage très médiatisé effectué par Deng Xiaoping, alors leader de la Chine, pour analyser les progrès des réformes économiques dans la province de Guangdong. Pour les entreprises et les particuliers qui s’inquiétaient de la sécurité de leurs investissements à la suite du massacre de Tiananmen en 1989, cette tournée avait fourni l’assurance politique nécessaire.

Xiang Songzuo estime qu’à l’heure actuelle, le seul moyen de rétablir la confiance du secteur privé est de relâcher l’emprise du Parti sur l’économie chinoise.

« Comment faire en sorte que les entrepreneurs privés se sentent en sécurité, prêts à faire des investissements à long terme et comment les empêcher d’émigrer et de déplacer leurs actifs ? Cela ne pourra se faire qu’en leur donnant la liberté et en protégeant véritablement les droits de la propriété privée et des entrepreneurs dans le respect du principe de primauté du droit ».

« Trop d’aspects ont besoin d’être changés »

Xiang Songzuo s’est également attaqué aux industries publiques chinoises, sources majeures de corruption et d'inefficacité dans le pays, mais en même temps, considérées comme un bastion irremplaçable du pouvoir politique du Parti communiste.

« Aujourd’hui, les entreprises d’État ont-elles vraiment fait l’objet de réformes ? Tout ce que nous avons entendu, ce sont les appels répétés à renforcer la direction du Parti », a précisé M. Xiang. « Où sont les réformes qui peuvent vraiment inspirer la vitalité entrepreneuriale » ?

En octobre 2018, l’actuel président chinois Xi Jinping s’était lancé dans sa propre « tournée dans le sud », mais les experts ont constaté que les résultats de ce voyage étaient loin de correspondre à ceux obtenus lors de la visite initiale de Deng.

SinoInsider, un cabinet de conseil en politique basé à New York, a stipulé dans une analyse du 28 octobre 2018, que la tournée de Xi Jinping destinée à préfigurer un changement majeur dans la politique économique chinoise, avait été sapée par ses rivaux à la tête du Parti communiste chinois (PCC). 

Les observateurs ont remarqué que les médias continentaux étaient étrangement silencieux au sujet de la « tournée dans le sud » de Xi Jinping, a écrit SinoInsider. « Le voyage de Xi Jinping à Guangdong n’a été couvert que par Xinhua et d'autres médias du parti ou de lvEtat. Les journaux locaux semi-officiels n’ont fait que republier le contenu de sources officielles et n'ont produit aucun reportage ou commentaire personnel ».

Xiang Songzuo a également suggéré que les barrages idéologiques du Parti communiste entravaient les réformes.

« Il y a trop d’aspects du gouvernement et de l’État qui ont besoin d’être modifiés », a-t-il écrit. « Actuellement, les inspections et les études effectuées à vide prennent probablement la moitié du temps nécessaire,  pour de nombreux fonctionnaires. Les cadres de base sont encore plus misérables. Les inspections de sécurité et le travail inutile sont partout ».

L’économiste a fait remarquer que bon nombre de ses observations provenaient de conversations avec des responsables chinois locaux, qu’il juge plus francs au sujet des sombres réalités économiques de leur pays.

Rédacteur Charlotte Clémence

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