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TENDANCE. Le Linceul de Turin : quand la science, l’histoire et la croyance parviennent à tisser des liens (2/2)

TENDANCE

PODCAST

Relique sacrée pour les uns, simple photographie pour les autres, le Linceul de Turin représente l’une des pièces les plus débattues qui soient. Son existence a même suscité la naissance d’un nouveau domaine scientifique, la sindonologie ou « science du linceul ». Le Linceul de Turin ne laisse pas indifférent. Comment expliquer une telle fascination ?

Les recherches scientifiques : la fièvre

Le Linceul de Turin est conservé au sein de la cathédrale de Turin depuis 1578. Selon la tradition chrétienne il aurait recouvert le corps du Christ après la crucifixion. Le négatif qui se révéla au photographe italien Secondo Pia en 1898 lorsqu’il développa les clichés du linceul ébranla la communauté scientifique et déclencha une série de recherches. Des commissions d’experts ont poursuivi leurs investigations notamment en 1963, en 1969 et surtout en 1978 : c’est l’année qui vit la création d’un groupe multidisciplinaire, le STURP (Shroud of Turin Reseach Project) composé en majorité de chercheurs américains croyants, non-croyants ou de confession juive. Des milliers d’heures de travail furent consacrées au Linceul de Turin et des milliers de photos furent prises. La relique devint un « objet scientifique », probablement l’objet scientifique le plus étudié au monde.

Selon les conclusions du STURP, la possibilité d’une peinture ou d’une copie était à écarter et les taches de sang visibles sur le linceul provenaient bien de sang humain. L’authenticité du Linceul de Turin semblait évidente.

La datation au carbone 14 : le séisme

À partir de 1960, une nouvelle méthode de datation, la datation au carbone commença à s’imposer. Cette méthode permet de dater les éléments fossiles en fonction du taux de carbone mesuré. En tant que propriétaire du linceul depuis 1983, le Vatican demanda une expertise qui établirait grâce à cette technique l’authenticité de la célèbre relique. Trois laboratoires basés à Oxford, Zurich et Tucson furent retenus. Ils mèneraient l’opération sous l’égide du British Museum au nom d’un protocole strict. Le résultat final qui tomba le 13 octobre 1988 eut l’effet d’une douche froide : le lin examiné aurait été récolté à une période comprise entre 1260 et 1390. Or, le taux de fiabilité du carbone 14 atteint les 95 %. Le linceul daterait du Moyen Âge et serait un faux. Il n’aurait donc pas pu avoir recouvert le corps du Christ !

L’Église s’inclina devant cette datation qu’elle avait elle-même réclamée. La science avait tranché…

Le Linceul de Turin : quand la science, l’histoire et la croyance parviennent à tisser des liens
Le Linceul de Turin devint un « objet scientifique » probablement l’objet scientifique le plus étudié au monde. (Image : Capture d ‘écran / YouTube)

Controverse et contestation

Malgré le coup de tonnerre créé par la datation au carbone 14, la contestation et la controverse n’allaient pas tarder à ressurgir. Les résultats qui situaient le linceul à l’ère médiévale soulevaient bien des questions :

Comment expliquer l’existence de documents historiques comme le Codex Pray conservé à Budapest et présentant des similitudes frappantes avec le Linceul de Turin ? La date de cette illustration, à savoir 1190, est bien antérieure à la datation révélée par le carbone 14.

Les conditions de l’expertise opérées par les trois laboratoires étaient-elles valides ? Le protocole prévu n’avait pas été respecté. En outre, en 2005, un chimiste américain Raymond Rogers a découvert que la composition chimique des échantillons testés ne correspondait pas à la composition des autres parties du linceul. Les incohérences des résultats révélés par les trois laboratoires alimentaient la controverse et rendaient la datation au carbone 14 « nulle et non avenue ».

Comment expliquer l’apparition de l’image d’un supplicié laissant apparaître des détails correspondant en tout point aux descriptions du Crucifié des Évangiles ? Il s’agit d’une « image non faite de main d’homme », Cette énigme demeure « quelque chose que la science ne parvient pas à expliquer » rapporte lors d’un entretien récent, l’historien Jean-Christian Petitfils, spécialiste du Linceul de Turin depuis des décennies.

En avril 2022, un chercheur du CNRS italien, Liberato De Caro, a utilisé une autre méthode, jugée plus fiable que la datation au carbone 14. Cette méthode dénommée WASX, (Wide Angle-X-Ray Scattering) fait appel aux rayons X. En conclusion, selon le directeur d’études italien, la datation du Linceul de Turin se situerait au premier siècle de notre ère, c’est-à-dire le siècle correspondant à la naissance de Jésus-Christ.

Le Linceul de Turin face à l’histoire, à la science et à la foi

Le Linceul de Turin est-il une preuve de foi ? La foi peut-elle s’appuyer sur la science ? Quelle est l’opinion de l’Église ?

L’Église s’est toujours montrée prudente et modérée dans ses déclarations, laissant à la science et à l’histoire le soin de se prononcer sur l’authenticité du linceul. Le Pape Jean-Paul II parle du linceul comme d’une « provocation à l’intelligence et un miroir de l’Évangile ». Alors que le Pape Benoît XVI y voit « une occasion de contempler ce mystérieux visage qui parle silencieusement au cœur des hommes » le Pape François pense que le linceul est « une icône de l’amour de Jésus qui se donne sur la croix pour les hommes ». Les Chrétiens considèrent le Linceul de Turin non comme une preuve de la Résurrection mais comme un signe de la Passion du Christ. Selon eux, la Résurrection relève du domaine de la foi. Elle n’a pas besoin d’être prouvée.

Le Linceul de Turin continue d’intriguer historiens et hommes de science. Le Linceul de Turin interpelle les consciences. Il laisse à chacun la liberté de croire.

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