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Culture. Charles Perrault : au-delà du conteur mondialement connu, un homme témoin de son temps (2/2)

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Qui n’a pas entendu parler du Petit Poucet, du Petit Chaperon rouge ou de Cendrillon ? Qui a écrit ces contes mondialement connus ? Il s’agit de l’un des plus grands auteurs du XVIIe siècle, Charles Perrault, le père de la fameuse formule « Il était une fois ». Cependant la vie de Charles Perrault reste plutôt méconnue. Il serait intéressant d’en savoir plus sur l’homme, au-delà du conteur.

Le charme se rompt à minuit comme l’avait promis la bonne fée. Cendrillon quitte précipitamment le château royal, perdant une de ses pantoufles de verre. (Image : N-region : Pixabay)

L’histoire de Cendrillon

L’histoire de Cendrillon, immortalisée par Charles Perrault sous le titre Cendrillon ou la Petite Pantoufle de verre, publiée en 1697 est la plus connue des centaines de versions qui ont traversé les siècles et les continents. Cendrillon, jeune fille douce et bienveillante, est la fille d’un gentilhomme ayant épousé en secondes noces une femme hautaine qui la maltraite. Assignée aux corvées domestiques, elle vit au milieu des cendres du foyer, d’où son surnom Cendrillon, attribué par ses demi-sœurs aussi désagréables que leur marâtre de mère. Un jour, grâce à sa marraine, la bonne fée, Cendrillon réalise son rêve et se rend au bal, méconnaissable dans sa merveilleuse robe. Le charme se rompt à minuit comme l’avait promis la bonne fée. Cendrillon quitte précipitamment le château royal, perdant une pantoufle sous les yeux ébahis du fils du roi, tombé éperdument amoureux de la belle inconnue. Seule femme du royaume capable d’enfiler la minuscule chaussure, elle s’en retourne au château pour épouser le prince. Cendrillon pardonne à ses deux sœurs qu’elle marie à deux grands seigneurs.

Notons que huit siècles avant cette version écrite par Charles Perrault, existait déjà une version chinoise comparable, et probablement la plus ancienne. L’héroïne, Ye Xian, tourmentée par sa belle-mère, se confie à un poisson d’or qui exauce ses vœux. Elle aussi échappe à son sort en épousant un roi.

Cendrillon : une ascension sociale exemplaire

C’est sans doute un grand avantage,
D’avoir de l’esprit, du courage,
De la naissance, du bon sens,
Et d’autres semblables talents,
Qu’on reçoit du Ciel en partage.
Mais vous aurez beau les avoir,
Pour votre avancement ce seront choses vaines,
Si vous n’avez, pour les faire valoir,
Ou des parrains ou des marraines.

Telle est la morale de l’histoire que présenta Charles Perrault. L’auteur a tenu à mettre en exergue les qualités de Cendrillon. Sa douceur, sa bienveillance incarnent à l’évidence la vertu récompensée, la vertu qui finit par triompher de toute adversité. Dans le même temps la question de l’ascension sociale est traitée en filigrane.

Pour engager un cœur, pour en venir à bout,
La bonne grâce est le vrai don des Fées.
Sans elle on ne peut rien, avec elle on peut tout.

Selon l’auteur de ces vers, la « bonne grâce » est le tremplin permettant d’ouvrir les portes de la Cour. Seul un élément extérieur représenté par la bonne fée peut conduire à l’avancement social. La sage Cendrillon rêvait d’échapper à sa condition. Ayant acquis un nouveau statut, elle contribue à l’avancement de ses deux sœurs en les mariant à de grands seigneurs. La bourgeoisie du Grand siècle, cette classe sociale à laquelle appartenait Charles Perrault n’aspirait qu’à s’ennoblir pour s’élever dans l’échelle sociale.

Pour sauver sa peau, le chat, doué du sens de la parole, se veut rassurant : la fortune de son maître est assurée s’il lui procure une simple paire de bottes et une besace. (Image : wikimedia / Carl Offterdinger / Domaine public)

Le Chat Botté : un conte très apprécié

Le conte intitulé Le Maître Chat ou le Chat Botté publié également en 1697 est l’histoire d’un fils de meunier ayant reçu en héritage pour tout bien un chat dont il n’a que faire. Pour sauver sa peau, le chat, doué du sens de la parole se veut rassurant : la fortune de son maître est assurée s’il lui procure une simple paire de bottes et une besace. Après avoir enfilé les bottes, le chat s’ingénie à apporter au roi les produits de sa chasse, prétendant qu’ils sont offerts par un certain Marquis de Carabas. Le roi abusé croit à l’existence du faux marquis, le recueille chez lui, croyant qu’il a été dévalisé. Le chat se rend chez un ogre richissime et parvient à l’amadouer afin qu’il se transforme en souris dont il ne fait qu’une bouchée. Il ne lui reste plus qu’à accueillir le roi dans le château du Marquis de Carabas. Le roi convaincu de la noblesse du personnage lui offre la main de sa fille très amoureuse… Le chat aura réussi à faire la fortune de son maître sans oublier la sienne !

Un conte à la morale ambigüe

Le Chat Botté, conte aux origines multiples et revisité par Charles Perrault remporte un vif succès dès sa parution. Le conte fascine et continue d’inspirer cinéastes, écrivains de toutes sortes alors que le récit ne prône que ruse, mensonge et stratagèmes. L’académicien dans sa préface expliquait que les contes, loin d’être des « pures bagatelles » devaient renfermer « une morale utile ». En guise de moralité Charles Perrault précise que « l’industrie et le savoir-faire valent mieux que les biens acquis ».

Or le savoir-faire du chat se réduit à un tissu de mensonges. Pour arriver à ses fins, le chat ne dit jamais la vérité. Il a inventé le personnage du Marquis de Carabas, prétend que celui-ci a été dévalisé. En outre il oblige les autres à mentir sous la menace. « Bonnes gens qui moissonnez, si vous ne dites que tous ces blés appartiennent à Monsieur le Marquis de Carabas, vous serez tous hachés menus comme chair à pâté. » dit-il aux paysans. Il initie au mensonge son maître, le fils du meunier. Avec ce félin aux allures humaines, on peut dire que « l’habit fait le moine ». Enfin c’est par la ruse que le chat se débarrasse de l’ogre, l’incitant habilement à se transformer en souris.

D’aucuns estiment que l’ogre transformé en lion symbolise le pouvoir de la noblesse qui se serait transformée en souris courtisane et vulnérable, allusion probable à la Fronde menée contre le roi Louis XIV. Celui-ci aurait habilement réduit à néant l’opposition des frondeurs. Le monde des courtisans avec ses apparences et ses faux-semblants rappelle le monde créé par un Chat Botté fin limier et manipulateur.

Charles Perrault a-t-il voulu à travers ses contes « naïfs » brosser un portrait sans complaisance de la société de son époque ?

Des contes qui s’avèrent bien plus complexes qu’il n’y paraît.

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