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Tradition. Un moine qui parlait avec franchise

CHINE ANCIENNE > Tradition

​​​​​Dihui était moine dans le Temple de Jingci situé dans les montagnes de Nanping, dans la province méridionale de Zhejiang.(Image : Hartwig HKD / Flickr / CC BY-ND 2.0)

Dihui signifie calomnie, et tout comme son nom le suggère, le moine Dihui aimait à exprimer ses opinions sur les sujets d’actualités en condamnant tout et tout le monde comme bon lui semblait.

Dihui était moine dans le Temple de Jingci situé dans les montagnes de Nanping, dans la province méridionale de Zhejiang. Les gens aimaient aller le voir et l’écouter pour la finesse de ses raisonnements et l’intérêt de ses commentaires.

L’empereur Qianlong de la dynastie Qing se donna l’apparence d’un érudit et se rendit au Temple de Jingci espérant rencontrer le moine Dihui. Quand l’empereur arriva au Temple, Dihui était vêtu d’une soutane en lambeaux et rapiécée.

L’empereur déclara : « J’ai ouïe dire que vous étiez un moine de haut niveau et de grande vertu. Comment pouvez-vous porter cette soutane dépenaillée ? »

Le moine Dihui sourit et dit : « Je portais de splendides vêtements du temps de ma jeunesse, mais des chiens errants ont déchiré mes beaux vêtements et puis je suis devenu un moine portant cette soutane en lambeaux. Bien que mes vêtements soient détériorés, mon esprit est droit, à la différence de ces fonctionnaires à l’apparence glorieuse, mais qui sont d’absolus vauriens. »

L’empereur Qianlong de la dynastie Qing prit l’apparence d’un érudit et se rendit au Temple de Jingci espérant rencontrer le moine Dihui. (Image: pixabay / CC0 1.0)
L’empereur Qianlong de la dynastie Qing prit l’apparence d’un érudit et
se rendit au Temple de Jingci espérant rencontrer le moine Dihui.
(Image : pixabay / CC0 1.0)

Ressenti comme une gifle au visage, le commentaire rendit l’empereur intérieurement furieux. Il pensa : «  Ce moine mérite vraiment sa réputation! Je dois trouver une raison pour me débarrasser de lui. »

Alors que l’empereur suivait Dihui dans le temple, il remarqua une personne tranchant du bambou pour fabriquer des paniers. Il ramassa un morceau de bambou et tint la partie verte face à Dihui. Il demanda : « Maître, qu’est-ce que c’est ? »

Dihui répondit : « La peau du bambou. » L’empereur retourna le morceau de bambou avec la face blanchâtre face à Dihui : « Alors qu’est donc ceci ? » Dihui répondit : « C’est la chair du bambou. » L’empereur eut un sourire narquois : « Quelle intéressante façon de l’appeler ! »

Dihui répondit : « Mon invité, le monde n’est plus ce qu’il était. Bien sûr, les noms ont évolué tout du long avec lui. »

L’empereur était comme un pneu dégonflé et restait silencieux.

En ce temps-là dans l’histoire, il y avait une terrible inquisition littéraire en Chine. Les mots étaient sortis de leur contexte, et si les gens disaient ou écrivaient des mots suggérant peu ou prou la subversion, les fonctionnaires les arrêtaient et les tuaient.

Si Dihui avait répondu correctement aux questions de l’empereur, il aurait dit : « du bambou vert(mie qing) » et du « bambou jaune (mie huang) », ce qui en mandarin sonne comme « éliminer (la dynastie) Qing » et « éliminer l’empereur ». Alors l’empereur aurait eu une raison de le tuer.

Après que l’empereur Qianlong eût prié le Bouddha dans le hall principal, il suivit Dihui dans la cuisine.

L’empereur jeta un regard autour de lui et vit une botte de pousses de soja. Un chien entra, leva la patte, et urina sur le soja. L’empereur demanda : « Maître, est-ce que ces pousses de soja sont propres à votre avis ? » Dihui répondit : « Elles ont germé et poussé dans l’eau, donc bien sûr qu’elles sont propres. »

L’empereur dit avec mépris : « Il y a dessus de l’urine de chien ; comment pourraient-elles être propres ? »

Dihui éclata de rire : « Comme dit un vieux dicton : le propre n’est pas à voir, et le calme n’est pas à entendre. Faites simplement semblant de ne pas l’avoir vu ; alors c’est propre ! Par exemple, quelqu’un est maudit et condamné par un homme du commun dans ce pays jour après jour, mais il fait tout simplement semblant de ne pas l’entendre. Résultat, il prétend de façon éhontée qu’il est un saint ! »

L’empereur Qianlong fut en rage en entendant cette critique flagrante, mais il ne pouvait le montrer parce qu’il ne voulait pas dévoiler son identité. Au lieu de cela, l’empereur se faufila hors du temple par la porte de derrière.

Rédacteur Constance Ladoux

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