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France. Quand le déclin scolaire fragilise la société française  

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Au cours d’un entretien accordé au Parisien, Gabriel Attal, le ministre de l’Éducation nationale, a exprimé son inquiétude, quant au niveau scolaire des élèves. Les difficultés en mathématiques et les fautes d’orthographe sont pointées du doigt. Mais comment peut-on analyser ce déclin scolaire et ses conséquences ?

Le constat d’une « chute spectaculaire du niveau scolaire français »

Selon une étude du ministère de l’Éducation nationale : « En 2021[sur une même dictée] les élèves font en moyenne 19,4 erreurs contre 18 en 2015, 14,7 en 2007 et 10,7 en 1987. La baisse des résultats continue de concerner l’ensemble des élèves, quels que soient leur sexe et leur âge […] C’est l’orthographe grammaticale (règles d’accord entre le sujet et le verbe, accords dans le groupe nominal, accords du participe passé) qui demeure la source principale de difficultés », est-il précisé dans un article, La chute du niveau scolaire, une porte ouverte au fanatisme et à la violence, publié dans Le Figaro.

Quant aux mathématiques, l’étude internationale TIMSS de 2019 a révélé que : « Seuls 2 % des collégiens français atteignent le niveau avancé en France en 2019, alors qu’ils sont 50 % à Singapour, à Taïwan ou en Corée du Sud et 11 % en moyenne dans l’UE ! Un tel écart entre la France et ces autres pays apparaît " assez inquiétant ", selon le ministère », est-il précisé dans l’article Mathématiques : un niveau en baisse et « inquiétant » au collège, de Marie-Estelle Pech, publié dans Le Figaro

« Les élèves sont perdus. Ils n’ont pas intégré les règles de base et se retrouvent à écrire un peu au hasard ». (Image : RDNE Stock project / pexels)

Un déclin scolaire reflet des « choix idéologiques » ?

« Les élèves Français se classent derniers de l’Union européenne en mathématique et avant-derniers dans l’OCDE (devant le Chili) ». « Selon le classement PISA, les jeunes Français ne sont que 23ème en lecture et compréhension de texte. Enfin, en histoire-géographie, le naufrage est avéré », affirme Maxime Tandonnet dans Le Figaro.

Il met en avant les « choix idéologiques » qui seraient à l’origine du déclin scolaire en France. Un choix qui s’exprime à travers de multiples décisions prises depuis un demi-siècle. L’objectif de 80% d’une classe d’âge « au niveau bac » a amplifié la faillite scolaire en ouvrant la voie à une stratégie de rabaissement du niveau, tournée vers sa réalisation, précise-t-il dans son article. Tout en affirmant que : « Cette course à la médiocrité procède d’un dessein de long terme du pouvoir politique, sans doute implicite, peut-être inconscient mais réel, consistant à forger une société d’individus aisément manipulables ».

Un déclin scolaire en lien avec « les réseaux sociaux, l’enseignement et la complexité de notre orthographe » ?

« Des accrocs à l’orthographe, nous en faisons tous. Et beaucoup ! La faute aux milliers d’e-mails, de SMS et de messages échangés quotidiennement sur les réseaux sociaux, explique Christophe Benzitoun, maître de conférences en linguistique française à l’université de Lorraine et membre du collectif Les Linguistes atterrées », peut-on lire dans l’article de Claire Lefebvre, Pourquoi le niveau d’orthographe baisse-t-il autant en France ? paru dans le magazine Le Point.

Dans cet article, il est aussi précisé que : « Les élèves sont perdus. Ils n’ont pas intégré les règles de base et se retrouvent à écrire un peu au hasard. Vous n’avez pas idée du nombre d’élèves qui hésitent encore entre " er " et " é " à la fin de la troisième ! ». Tout en rappelant que « c’était mieux avant », élément confirmé par une étude réalisée par le service statistique du ministère de l’Éducation nationale en 2021. « Jusque dans les années 1980, les collégiens avaient six heures de français par semaine. Aujourd’hui, ils n’en ont plus que quatre », indique Michel Fayol, professeur émérite à l’université de Clermont Auvergne, dans cet article.

De là, la simplification du français est avancée comme solution : mais cela pourrait-il aplanir toutes les difficultés ? Pas de réelles réponses évoquées. Car notre pays n’aurait-il pas tendance à couper les cheveux en quatre en s’attachant aux détails, se privant ainsi d’une vue d’ensemble ?

« La baisse des performances des élèves français en orthographe n’a pas eu d’impact sur la compréhension de textes.(…). Ne faudrait-il pas permettre aux élèves de s’améliorer dans ces domaines qui, eux, peuvent avoir un impact réel sur les performances économiques du pays ? » (Image : Gerd Altmann / Pixabay)

Des moyens encore des moyens ou une approche plus globale ?

Un rapport de la Cour des comptes de décembre 2021 souligne que la France consacre 110 milliards d’euros à l’Éducation nationale (hors enseignement supérieur). Les dépenses pour les élèves du premier degré (élémentaire, primaire) ont augmenté de 210% par élèves en termes constants de 1980 à 2020 et de 65% pour le second degré. La France consacre 5,2% de son PIB à l’Éducation nationale contre 4,5% en Espagne, Allemagne, Japon, Italie (selon le même rapport), précisait Maxime Tandonnet dans son article.

Donc les moyens sont alloués et pourraient permettre de faire face à ce déclin scolaire, lorsque l’on compare les résultats des différents pays au regard des moyens alloués.

Quant à Claire Lefebvre, elle met en avant les propos de Nadir Altinok, économiste et maître de conférences à l’université de Lorraine : « Les études Pisa et Pirls montrent que la baisse des performances des élèves français en orthographe n’a pas eu d’impact sur la compréhension de textes.(…). Plutôt que de se focaliser sur l’orthographe, ne faudrait-il pas permettre aux élèves de s’améliorer dans ces domaines qui, eux, peuvent avoir un impact réel sur les performances économiques du pays ? ». Selon lui, c’est une question démocratique, car entre « une société où les gens s’expriment librement, mais en faisant des fautes, et une société où les gens évitent de s’exprimer par peur de faire des fautes, que préfère-t-on ? ».

Maxime Tandonnet attire l’attention sur le fait que : « L’incapacité à lire, à écrire et à compter, l’affaiblissement de la curiosité intellectuelle, de la passion des livres, ouvre la voie à la soumission et au triomphe de la propagande ». Il met aussi en corrélation les choix idéologiques qui aboutissent au fait qu’une « course à la médiocrité explique sans doute aussi la poussée des extrémismes en politique, le triomphe des aboyeurs au détriment de la raison collective ».

« Le déclin scolaire, en entraînant celui de l’esprit critique et de la pensée ou de la capacité à s’exprimer, prépare le clonage d’une société servile, soumise aux idolâtries et à toutes sortes de fanatismes et de violences. Pour changer de cap, il faudrait un véritable bouleversement intellectuel autour de la réhabilitation de l’excellence plutôt que des coups de menton aussi vains que répétitifs », ces mots avancés par Maxime Tandonnet peuvent souligner à quel point le déclin scolaire peut fragiliser la société française.

« Celui qui ouvre une porte d’école, ferme une prison », disait Victor Hugo. Mais ces écoles devraient garantir aux hommes des racines et des repères leur permettant d’avoir une vue d’ensemble et de se positionner en tant que véritable citoyen au sein d’une réelle démocratie. Et ne pas produire « des femmes et des hommes sans racines intellectuelles, privés des repères de la littérature, de l’histoire et de la philosophie ou de la connaissance scientifique », comme le prédit Maxime Tandonnet.

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