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Chine. La problématique du mariage et de la fécondité dans la Chine d’aujourd’hui

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Des scènes surprenantes se produisent actuellement dans des grandes villes de la Chine d’aujourd’hui. Des rendez-vous à l’aveugle, qui ressemblent à s’y méprendre à un marchandage brutal, rappellent à peine aux gens la beauté de l’amour. Pourtant, jamais le gouvernement chinois n’a mis autant l’accent sur le mariage, ou sur la procréation. Mais, la tendance est que de plus en plus de Chinois refusent d’avoir des enfants, voire de se marier.

Des rendez-vous à l’aveugle ou une place de marché ? Certaines scènes ont vraiment de quoi surprendre. Des rendez-vous à l’aveugle, où chacun affiche ses prétentions : un endroit un peu comme un marché, qui illustre souvent l’impuissance des Chinois contemporains face aux pressions de la vie. Car, afin de faire face à la vie, ils doivent être extrêmement prudents sur les éventuels problèmes de mariage, de manière à diminuer les futures difficultés.

Les facteurs économiques ont un impact direct sur le mariage et les naissances en Chine

Le Bureau national des statistiques de Chine a annoncé le 15 juin que suite à l’enquête urbaine, le « taux de chômage en mai était de 5,2% », le même qu’en avril. Mais le « taux de chômage des jeunes âgés de 16 à 24 ans » a atteint 20,8%, établissant un nouveau record depuis celui enregistré en janvier 2018. Mais ce ne sont que des chiffres officiels, car ce chiffre devrait être plus élevé en réalité.

Sous l’impact d’un taux de chômage aussi élevé, certains internautes chinois ont créé un nouveau slogan via Weibo : « Ne donne pas naissance au hasard à des enfants innocents », et de nombreux internautes ont immédiatement fait écho. « Avoir un enfant n’est pas envisageable pour ceux qui ne gagnent que 3 000 yuans (l’équivalent de 380,35 euros) par mois ». Cela reflète le pessimisme de la jeune génération dans la Chine d’aujourd’hui, quant à l’avenir.

Un Chinois s’est exprimé dans ce sens : « Je n’ai pas d’enfant, simplement parce que je n’ai pas les moyens. Si j’ai un enfant, il ne va pas mourir de faim, mais je ne pourrai pas bien l’élever ». L’homme explique que s’il s’agissait de seulement subvenir aux besoins de base de son enfant, il pourrait faire face. Mais « si je devais lui donner de la nourriture saine et sans pesticide, lui fournir un régime équilibré en y ajoutant des compléments alimentaires, des vitamines et des nutriments, lui organiser des cours préscolaires. Ou encore si je devais lui faire apprendre le piano, la danse, l’anglais, la peinture et la natation, le faire s’entraîner dans un gymnase, lui trouver des professeurs à domicile, le faire entrer dans des écoles privées et lui offrir un bon parcours jusqu’à l’université… Ou alors, lorsqu’il n’a pas réussi à entrer dans une université d’élite, l’envoyer à l’étranger pour étudier. Puis quand il sera de retour, lui préparer un appartement, ou une grosse dot pour son mariage, et que par la suite il me donne un petit enfant : comment je vais m’en sortir ! ».

« C’est vrai que personne ne m’oblige à éduquer mon enfant de cette manière, mais si tous les autres enfants bénéficient d’avantages, comment mon enfant sortira de cette cruelle compétition ? Comme on le dit souvent, souhaitez-vous que votre enfant perde la partie dès la ligne de départ ? », ajoute-t-il. Car, « La moindre erreur va coûter cher à l’enfant dans le futur : il ne trouvera pas sa place dans la société ».

Ces échanges illustrent l’inquiétude qui règne aujourd’hui en Chine.

La problématique du mariage et de la fécondité dans la Chine d’aujourd’hui
« La moindre erreur va coûter cher à l’enfant dans le futur : il ne trouvera pas sa place dans la société », a expliqué un jeune Chinois. (Image : 尖 / Pixabay)


Des chiffres qui révèlent une certaine réalité dans la Chine d’aujourd’hui

L’impossibilité pour les hommes de se marier est aussi un problème structurel en Chine. La politique de l’enfant unique a entraîné un grave déséquilibre entre les sexes qui a également affecté la population mariée du pays. Selon les données du recensement national de 2020, pour une tranche d’âge comprise entre 20 et 40 ans, la population masculine dépasse la population féminine, et enregistre plus de 17,52 millions d’individus supplémentaires.

Ainsi, les Statistiques des affaires civiles pour le quatrième trimestre 2022 publiées par le ministère des Affaires civiles de Chine le 9 juin dernier, annonce que le nombre d’enregistrements de mariages en Chine l’année dernière était inférieur à 7 millions, soit le nombre le plus bas depuis la mise en place de la compilation des statistiques sur les mariages en 1986.

Craignant une éventuelle diminution de la population, le Parti communiste chinois (PCC) a depuis des années mis en place des politiques. Ainsi, il a révisé sa politique stricte de l’enfant unique à deux reprises au cours de la dernière décennie. La première révision date de 2015, elle mettait fin à la politique de « l’enfant unique » qui avait duré plusieurs décennies. La seconde a été la mise en place de la politique du troisième enfant. La politique a été annoncée le 31 mai 2021, lors d’une réunion du Bureau politique du Comité central du PCC sur le vieillissement de la population.

Amener les jeunes à se marier n’est pas le but du PCC : son objectif est d’inciter à la procréation

Début 2023, l’Inde a dépassé la Chine en termes de population. Depuis lors, les médias d’État ont continué à rapporter comment le gouvernement avait intensifié ses efforts pour encourager les naissances.

La première étape consistait à annuler le terme « frais d’assistance sociale » pour les enfants nés hors du plan d’État. Il s’agissait en réalité d’une amende. Alors pour alléger la communication, le PCC a construit ce nouveau concept : « taxe d’assistance sociale ».

Les politiques mises en place successivement comprenaient : l’extension de l’assurance maternelle pour la naissance de trois enfants, l’allongement du congé de maternité de 128 à 188 jours pour les employées dans diverses provinces, l’octroi de réduction et de subventions lors de l’achat d’un bien immobilier, etc.

Afin d’augmenter le taux de natalité, le PCC a mis en place, dans les rues de la Chine d’aujourd’hui, des slogans qui se contredisent. Comme : « Stabilisons le faible taux de natalité, on compte sur toi, sur moi et sur tout le monde » ou « Mise en œuvre complète de la politique de deux enfants ». Mais, les intellectuels chinois pensent que l’impact dû à la diminution du nombre de mariages durera un certain temps.

La problématique du mariage et de la fécondité dans la Chine d’aujourd’hui
Les notions de parenté intergénérationnelle et d’extension de la lignée familiale ont toujours été importantes en Chine. Mais, les personnes âgées doivent abandonner la tradition. Car ne pas pouvoir se marier est devenu une réalité pour de nombreux Chinois dans la Chine d’aujourd’hui. (Image : Kamesh Kumar / Pixabay)

Alors quand les jeunes ne veulent pas d’enfants, qu’en pensent leurs parents ?

« Les gens me demandent toujours, n’as-tu pas peur que personne ne se soucie de toi quand tu seras vieux ? Mais si je mets au monde un bébé ce n’est pas pour l’embêter par la suite. D’ailleurs, quand je serai vieux, ne devra-t-il pas faire des heures supplémentaires pour gagner de l’argent ? Avoir des enfants ne peut pas garantir votre fin de vie, seul le fait d’avoir de l’argent peut tout garantir », a relaté un jeune chinois.

En mai 2023, lors d’une interview, une journaliste a posé cette question : « Si notre génération ne se marie plus et ne veut plus avoir d’enfants, que devrions-nous faire si le vieillissement de la population s’aggrave ? ». Une jeune étudiante à l’Institut de technologie de Pékin lui a répondu : « Qu’est-ce que cela a à voir avec moi ? Je ne pense pas que cela soit quelque chose qui me concerne. Une seule personne comme moi ne compte pas. J’avoue que je suis un peu égoïste. Je me soucie encore plus de moi. Je fais les choses selon mes propres sentiments, je ne veux pas traverser ce genre de misère », par misère elle entendait par là, la vie difficile que ses parents ont connu.

En Chine, il y a toujours eu les notions de parenté intergénérationnelle et d’extension de la lignée familiale. Ce n’est pas que les personnes âgées ne veulent pas que leurs enfants aient des enfants, mais force est de constater que souvent ces derniers n’en ont tout simplement pas les moyens.

Au fil du temps, les personnes âgées, qui accordent une grande importance à ces notions, ont lentement perdu espoir et doivent abandonner la tradition. Car pour de nombreux Chinois, ne pas pouvoir se marier est devenu une réalité dans la Chine d’aujourd’hui.

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