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Société. Pourquoi l’exercice de l’autorité est aujourd’hui si malaisé ?

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A l’école, peinture de Henri Jules Jean Geoffroy (1898) commandée par Jules Ferry pour représenter l’école républicaine. (Image : wikimedia / >Henri Jules Jean Geoffroy / Domaine public)

« Il n’y a d’autorité chérie que celle qui est fondée sur la justice et exercée par la vertu ». Cette citation extraite de La pensée et sagesse chinoise (1784) laisse à interpréter qu’il ne peut y avoir de pouvoir et d’exercice de l’autorité, essentielle, sans expression de la vertu et de la reconnaissance de la justice.

L’autorité constitue aujourd’hui un exercice d’équilibriste pour tous ceux qui en sont détenteurs car les défiances sont nombreuses : un élève qui manque de respect et insulte son professeur, un enfant qui défie et insulte son parent, un « citoyen » qui agresse un policier, des employés qui se mettent en grève pour contrer le chef d’entreprise, une population qui défie son gouvernement…, les exemples sont légions.

Mais comment définit-on l’autorité en fin de compte ? Selon le Larousse, c’est le « pouvoir de décider ou de commander, d’imposer ses volontés à autrui ». L’autorité correspond aussi au « pouvoir politique ou les organes qui le représentent pris collectivement ».

Commander, décider, de la part de celui qui détient l’autorité, avec pour conséquence l’acte d’obéir, de répondre à cette volonté pour celui qui se soumet à cette autorité.

Pourquoi aujourd’hui, l’autorité est-elle si mal interprétée ? Afin de mieux appréhender ce présent, revenons sur le passé et sur certaines formes que revêtait l’autorité…

Les rois et empereurs, une autorité de droit divin

Il est logique de penser que, dans les temps préhistoriques, c’est la loi du plus fort qui a prévalu dans un monde où la force physique conditionnait la survie. C’est ainsi que, naturellement, l’homme, plus fort physiquement, a pris la tête de la famille, le guerrier le plus fort, la tête de la tribu…

« Baptême de Clovis par saint Remy, évêque de Reims. Le Saint-Esprit apporte la sainte Ampoule contenant le saint chrême servant à l’onction. » Enluminure des Grandes Chroniques de France, vers 1375-1380. (Image : wikimedia / Bibliothèque nationale de France / Domaine public)
Baptême de Clovis par Saint Remy, évêque de Reims. Le Saint Esprit apporte la Sainte Ampoule contenant le Saint chrême servant à l’onctionEnluminure des Grandes Chroniques de France, vers 1375-1380. (Image : wikimedia / Bibliothèque nationale de France / Domaine public)

Quand Clovis, roi des Francs, est baptisé à Reims en 498, il se fait oindre avec l’huile sacrée de la Sainte Ampoule mélangée au Saint Chrême et choisit la date du 25 décembre, jour de Noël qui le lie définitivement à Dieu chez les Chrétiens.

La légende de la Sainte Ampoule, contée par l’archevêque de Reims, Hincmar, vers 860, décrit une colombe qui aurait apporté une fiole remplie d’huile sacrée à l’évêque Rémi de Reims, afin d’oindre le front de Clovis lors de son baptême.

A travers ces actes, Clovis posait les prémisses d’un lien indéfectible avec le divin qui justifiait son statut de roi et son autorité héritée du divin. Tous les rois de France l’auront bien compris, quelle que soit la dynastie, puisque la Sainte Ampoule deviendra l’étape obligée lors du sacre d’un roi à Reims. Le roi étant le représentant de Dieu sur Terre, il a l’autorité suprême sur tous, seigneurs et vassaux, donc tous doivent se plier à ses règles.

Mais une question peut être posée : quel est le but de cette autorité ? Pourquoi tout un peuple, depuis des siècles, peut accepter l’autorité d’un homme et de son gouvernement et s’y soumettre ?

Dieu représentant le bien, par extension, son représentant sur Terre ne pouvait qu’apporter aussi le bien au peuple. Concrètement, à quoi ce bien pouvait-il correspondre ? Abondance, bonheur et paix. En d’autres termes, en étant détenteur de cette autorité, le roi, mais aussi chaque seigneur qui avait autorité sur le peuple, se devait de lui apporter protection (contre l’ennemi) et bien-être physique et moral (de la nourriture en quantité suffisante pour les familles, un toit pour se protéger, des fêtes pour se détendre)…

En bref, un contrat tacite existait entre le détenteur de l’autorité et celui qui s’y soumettait. Aujourd’hui encore, le devoir et la responsabilité immense d’un gouvernement sont donc d’assurer que les droits des citoyens demeurent intacts et ne soient pas opprimés.

Cette idée d’une autorité héritée du droit divin et justifiant que le chef d’un royaume ou d’un empire soit le représentant du divin sur Terre se retrouve dans quasiment toutes les civilisations, dont l’une des plus anciennes, en Chine.

Confucius. Gouache sur papier, 1770. (Image : wikimedia / Domaine public)
Confucius. Gouache sur papier, 1770. (Image : wikimedia / Domaine public)

Lors de la dynastie Zhou (1046 av. J.-C. - 770 av. J.-C.) qui a ensuite inspiré Confucius pour ses écrits philosophiques, les rois devaient gouverner avec vertu et dans le respect de Shang Di, l’empereur du ciel. L’objectif général de tous était l’harmonie entre l’Homme et l’Univers à travers le respect du Ciel et de la Terre.

Le roi était donc nommé en tant que « Fils du Ciel », précisant son statut subalterne face à l’admonition et l’autorité divine. Gouverner avec vertu : Confucius définira plus tard les cinq vertus cardinales de bienveillance, droiture, bienséance, sagesse et foi.

Un bon décisionnaire ne pouvait exercer d’autorité sans s’astreindre lui-même à une vie irréprochable…

En plus d’être le monopole des plus hautes instances de gouvernance, l’autorité se manifeste aussi au sein de la cellule familiale traditionnelle et, plus largement, dans l’éducation.

Du pater familias à l’autorité paternelle

Dans la Rome antique, le père, le pater familias, était le détenteur de l’autorité au sein d’une famille élargie. En effet, de son vivant, un père détenait toute autorité sur ses enfants et autres descendants, même si ceux-ci étaient, eux-mêmes, déjà devenus pères. En bref, pour exemple, un homme marié et père de famille, mais dont le père était encore vivant, devait se soumettre, ainsi que sa famille, à l’autorité absolue de son père.

« Fresque de la Villa des Mystères » - Pompéi, environ 60 avant J-C. (Image : wikimedia / Pompejanischer Maler um 60 v. Chr. / Domaine public)
Fresque de la Villa des Mystères - Pompéi, environ 60 av. J.-C. (Image : wikimedia / Pompejanischer Maler um 60 v. Chr. / Domaine public)

Les femmes n’avaient aucun droit et aucun pouvoir d’autorité, même pas sur leurs enfants, passant de l’autorité de leur pater familias à celle de leur mari ou de leur beau-père, si celui-ci était encore vivant. Ces derniers avaient toute puissance sur leur femme, mais aussi sur leurs enfants ou leurs esclaves. C’est-à-dire qu’ils avaient le droit de vie et de mort, pouvaient les vendre ou les céder en gage…

De même que l’autorité impériale ou royale, l’autorité paternelle s’est retrouvée dans la plupart des civilisations. En France, avec l’avènement du christianisme, l’autorité paternelle s’est poursuivie encore jusqu’à la Révolution, avec tout de même quelques allègements quant à la toute-puissance du père. La femme, soumise à l’autorité de son père, puis de son mari, détenait un rôle d’éducatrice envers ses enfants et pouvait se voir confier la tutelle légitime de ses enfants. Quant au père, excepté le droit de vie et de mort, il détenait encore toute autorité sur la cellule familiale.

Dans la Chine traditionnelle antique, la famille était soumise aux règles confucéennes : le père, détenteur de l’autorité, devait, tout comme le roi, respecter et appliquer les règles des cinq vertus afin de bien gérer sa famille. Être droit, juste et bienveillant envers sa femme et ses enfants permettaient à ceux-ci d’acquérir suffisamment de confiance pour suivre et accepter les directives du chef de famille.

Et si la confiance était le mot-clé permettant d’asseoir son autorité du fait de la vertu pratiquée…

« Il ne faut point mener les hommes à l’extrême »

Cette citation de Montesquieu peut nous amener à nous demander si, à travers l’histoire, ceux qui détenaient l’autorité et le pouvoir décisionnaire, n’en ont pas abusé et amené ceux qui devaient la subir à une situation extrême ?

Chez les rois, les nobles et les seigneurs, afficher un train de vie d’abondance était leur priorité, tout comme pour certains, exposer les richesses du royaume ou nourrir leur égo par les guerres, étaient considéré comme une véritable mission.

Dans les cours d’Europe, les rois rivalisaient ainsi à grand renfort de fêtes, les plus somptueuses possibles, recevant leurs hôtes dans les châteaux les plus raffinés entourés de parcs merveilleux.

« Le château de Chambord et son domaine », peinture de Pierre-Denis Martin, 1722. (Image : wikimedia / Pierre-Denis Martin (1663-1742) / Domaine public)
Le château de Chambord et son domaine, peinture de Pierre-Denis Martin, 1722. (Image : wikimedia / Pierre-Denis Martin (1663-1742) / Domaine public)

S’il est vrai que ces chefs d’œuvres architecturaux ont contribué à asseoir le pouvoir et l’hégémonie d’un pays sur d’autres, de même que certaines guerres étaient inévitables afin de protéger le pays et le peuple, certains rois et seigneurs ont créé un profond déséquilibre en monopolisant parfois la richesse accumulée par le travail du peuple, pour l’apparat ou la guerre. Leur objectif premier n’était plus le bien-être du peuple, celui-ci croulant parfois sous le poids des taxes et des impôts, et survivant ainsi dans une grande misère.

L’abus d’autorité était observé et s’observe encore de nos jours. Dans les familles, il arrivait malheureusement que maris et pères ne tiennent plus leur rôle de chef de famille bienveillant et dévoué : humiliations, brimades et coups non justifiés maintenaient alors la famille, femme et/ou enfants, dans une obéissance craintive. A l’école, certains enseignants abusaient de leur autorité à sanctionner les élèves en leur infligeant des châtiments corporels non justifiés pour des raisons parfois purement pédagogiques.

Parallèlement, la mise en esclavage de peuples du fait de leur race a constitué aussi une base d’abus de pouvoir et d’autorité, conduisant à des actes de tortures, d’humiliations et de brimades durant plusieurs siècles.

« Le châtiment des quatre piquets », peinture de Marcel Verdier, 1843. (Image : wikimedia / Marcel Verdier / Domaine public)
Le châtiment des quatre piquets, peinture de Marcel Verdier, 1843. (Image : wikimedia / Marcel Verdier / Domaine public)

L’industrialisation a contribué à la production de richesses et à la création de grandes entreprises qui auraient dû profiter à tous, au patron bien sûr, mais aussi aux employés, à chacun selon son niveau de responsabilité. Or, là encore, le déséquilibre entre la croissance du chiffre d’affaires, l’enrichissement du patronat et le maintien de bas salaires accentuait l’impression d’injustice…

Des abus d’autorité aux théories communistes

Ainsi, les décennies puis les siècles passant, sont alors apparues des idées nouvelles défiant cette autorité, à commencer par la religion, puisque les détenteurs de cette autorité, les rois en premier, représentaient le divin sur terre… Entre autres, l’origine religieuse de l’homme, dévoyée par la théorie de Darwin, a ainsi été remise en cause. La Révolution française a mis à mal le principe d’autorité héritée du droit divin, et entraîné la fin de la royauté en France, puis dans d’autres pays.

Dans son Manifeste du Parti Communiste paru en 1848, Karl Marx écrivait : « Un spectre hante l’Europe : le spectre du communisme ».

« Derniers combats au Père Lachaise », le 27 mai 1871 lors de la Semaine sanglante de la Commune de Paris. Peinture de Henri Félix Emmanuel Philippoteaux, 1871. (Image : wikimedia / Henri Félix Emmanuel Philippoteaux / Domaine public)
Derniers combats au Père Lachaise, le 27 mai 1871 lors de la Semaine sanglante de la Commune de Paris. Peinture de Henri Félix Emmanuel Philippoteaux, 1871. (Image : wikimedia / Henri Félix Emmanuel Philippoteaux / Domaine public)

Les théories de Marx et Engels, relayées ensuite par les bolcheviks puis par les communistes, sous couvert de recherche de justice et d’égalité, ont prôné l’athéisme, la lutte des classes pour contrer la propriété individuelle, et la déconstruction de la cellule familiale : la libération sexuelle, le féminisme, l’homosexualité… et finalement, le rejet de toute forme de hiérarchie et, par là-même, de l’autorité.

Cette déconstruction de la cellule familiale avait déjà débuté avec la Révolution française. Danton soutenait déjà, en 1793, que « les enfants appartiennent à la République avant d’appartenir à leurs parents » et Robespierre déclarait aussi que « la Patrie a le droit d’élever ses enfants, elle ne peut confier ce dépôt à l’orgueil des familles », les bases du communisme étaient déjà posées, prônant la destruction des anciennes hiérarchies.

L’abolition de l’esclavage, nécessaire et essentielle au respect des lois humaines, a peu à peu été suivie d’idées telles que l’antiracisme, favorisant la haine raciale. La lutte des races était aussi malheureusement apparue.

Ces abus de l’autorité sous toutes ses formes, avaient alimenté et nourri la propagation de ces idées ! En prônant la lutte permanente des hommes contre toute forme traditionnelle, le communisme aura fait plus de 100 millions de morts en un siècle, indique Le Livre noir du communisme. Mais un des faits les plus insidieux est qu’il aura détourné nos sociétés de leurs valeurs fondamentales.

Deux siècles plus tard, où en est-on ?

Aujourd’hui, nous assistons, impuissants ou presque, à une défiance accrue envers l’autorité et ses détenteurs, quels qu’ils soient, avec la mise en place par les gouvernements eux-mêmes et sous l’influence des idéologies communistes, de mesures réduisant l’autorité de ses détenteurs.

Aujourd’hui, un parent peut être montré du doigt ou jugé, sous couvert de maltraitance, parce qu’il corrige son enfant.

Face à un élève qui, de par son comportement, perturbe lourdement la classe ou l’école, se mettant ou mettant les autres en danger, les enseignants ne disposent plus d’aucune autorité permettant de rappeler à l’ordre l’élève.

Lors du maintien de l’ordre sur la voie publique, des policiers peuvent être la cible de malfrats ou de voyous venus pour « casser du flic », menant à long terme à l’instauration de véritables zones de « non droit », où les forces de l’ordre peinent à pénétrer…

Aujourd’hui, l’idéologie communiste permet ainsi aux lois de favoriser des squatteurs qui pourront demeurer dans un logement qui n’est pas le leur, le propriétaire n’ayant pas l’autorité juridique de les en déloger par voie de fait.

Les exemples laissant à penser que l’on « marche sur la tête » sont nombreux. En clair, nous sommes passés d’un extrême, où les abus de pouvoir et d’autorité abondaient, à un autre extrême, où l’autorité, quel que soit le domaine, est bafouée, laissant une porte ouverte à toutes les exactions. Aussi, est-il urgent, non seulement pour les gouvernements, mais aussi pour chaque citoyen, de prendre conscience de la déshumanisation engendrée par ces idéologies marxistes, qualifiées même de « spectre pervers du communisme » par certains auteurs. Enfin, le retour à une gouvernance conditionnée par l’application de valeurs vertueuses, telles que la bienveillance, la droiture ou la patience, pour le détenteur de l’autorité, devrait être davantage pris au sérieux, puisque garant de la confiance indéfectible de ceux qui vivent cette autorité.

Quand autorité et moralité marchent côte à côte…

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