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Monde. Quand interdire les fausses nouvelles (fake news) est encore plus dangereux que les fausses nouvelles

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Singapour a proposé un projet de loi sur les fausses nouvelles, qui, s'il est adopté, risque de porter gravement atteinte à la liberté d'expression dans la région. Les personnes ayant des opinions différentes de celles du gouvernement peuvent être surveillées, arrêtées et condamnées pour des raisons de sécurité, ce qui limite l'activisme politique.

Le projet de loi sur les fausses nouvelles

Le projet de loi a été présenté au Parlement le 1er avril et vise à arrêter les individus et les organisations qui diffusent de fausses nouvelles sur les médias. Au cours des prochains mois, le Parlement débattra du sujet. Bien que la loi semble raisonnable à première vue, les critiques affirment qu'elle donnerait surtout au gouvernement le droit absolu d’éliminer les opinions divergentes.

En fait, quelques politiciens auraient hâte de faire adopter le projet de loi afin de contrer les informations qui les dénigrent dans les médias. Le Premier ministre Lee Hsien Loong lui-même fait l'objet d'une  médiatisation intense suite à un conflit familial et un scandale de corruption, l'an dernier. Il a été un fervent partisan de la loi, car elle lui permettrait de supprimer la couverture de ces nouvelles lors des prochaines élections

Le Premier ministre Lee Hsien Loong lui-même fait l'objet d'une médiatisation intense suite à un conflit familial et à un scandale de corruption, l'an dernier. (Image: Capture d'écran / YouTube)
Le Premier ministre Lee Hsien Loong lui-même fait l'objet d'une médiatisation intense suite à un conflit familial et à un scandale de corruption, l'an dernier. (Image: Capture d'écran / YouTube)

«Ce projet de loi sera un désastre pour les droits de l'homme, en particulier la liberté d'expression et la liberté des médias… Les définitions de la loi sont vagues et mal définies, laissant un maximum de pouvoir discrétionnaire en matière de réglementation, aux fonctionnaires de l'État, qui considèrent comme «trompeuses» ou «fausses» les informations qui remettent en question les récits politiques préférés de Singapour», a déclaré dans un communiqué, Phil Robertson, directeur adjoint de la division Asie de Human Rights Watch, (Al Jazeera).

Le législateur a cherché à apaiser ces craintes en disant que seuls ceux qui ont des intentions malveillantes et qui répandent délibérément de fausses nouvelles seront arrêtés. Cependant, cela pose à nouveau un problème - qui décide de ce qui est malveillant? Que se passe-t-il si le Premier ministre Lee décide qu'un reportage spécifique sur un scandale de corruption qui contient des informations provenant d'une source inconnue, est malveillant, et que le journaliste doit être arrêté?

Des citoyens ont reproché au Barreau de garder le silence sur la question, alléguant que l'organisation travaillait de concert avec les politiciens pour faire adopter le projet de loi à leur avantage. Toutefois, le Barreau a rejeté ces allégations. «Dans la pratique, nous ne publions pas les détails de ces discussions en raison de la confidentialité du processus, la confidentialité étant le précurseur des échanges francs», a déclaré l'avocat principal Vijayendran dans un communiqué (The Straits Times).

Singapour est déjà mal loti en termes de liberté de la presse. En effet, Reporters sans frontières, organe de surveillance de la presse, a classé Singapour 151ème sur 180 pays, dans son classement mondial de la liberté de la presse 2018. Si le gouvernement adopte la loi sur les fausses informations, les journalistes du pays feront  face à une période plus difficile en ce qui concerne les affaires de corruption gouvernementale et les sujets apparentés.

Singapour est déjà mal loti en termes de liberté de la presse,  se classant au 151ème rang sur 180 pays dans le  l’indice mondial de la liberté de la presse 2018. (Image: Capture d'écran / YouTube)
Singapour est déjà mal loti en termes de liberté de la presse,  se classant au 151ème rang sur 180 pays dans le  l’indice mondial de la liberté de la presse 2018. (Image: Capture / YouTube)

Mauvais pour les entreprises de réseaux sociaux ?

Les plateformes de réseaux sociaux seront également grandement affectées par le projet de loi de Singapour sur les fausses nouvelles. Des entreprises comme Facebook, Twitter, Instagram, etc. peuvent se voir infliger une amende pouvant aller jusqu'à 1 million de dollars de Singapour S$ (735 000  dollars US), pour chaque incident lié à une fausse nouvelle. Compte tenu de l'énorme quantité de nouvelles qui circulent sur les réseaux  sociaux, de telles amendes pourraient facilement s'avérer être un fardeau financier important pour ces entreprises.

Alors que Facebook avait précédemment déclaré son soutien aux actions contre les fausses informations en ligne, la société s'inquiète du fait que la loi accorde «de larges pouvoirs à l'exécutif de Singapour pour nous obliger à supprimer un contenu qu'ils jugent faux, et à envoyer de manière proactive une notification gouvernementale aux utilisateurs », a déclaré dans un communiqué Simon Milner, directeur des politiques publiques de Facebook pour la région Asie-Pacifique (CNN).

Les personnes qui postent  de fausses nouvelles seront passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans et/ou d’amendes pouvant atteindre 50 000 dollars de Singapour (36 000 dollars US). Si la fausse nouvelle  a été publiée  sur un compte en ligne non valide, la peine d’emprisonnement peut être portée à 10 ans avec une amende  pouvant atteindre 100 000 dollars de Singapour (73 000 dollars US).

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