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Monde. Pandémie : et si le monde avait écouté Taïwan ?

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Taïwan, un « dragon » isolé

Son poids économique et les pressions constantes exercées, permettent à Pékin d’isoler la démocratie taïwanaise, allant jusqu’à son exclusion de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).  Toutes les tentatives de Taïwan de réintégrer les Nations Unis ont été rejetées. (Image : wikimedia / Wing1990hk / CC-BY-SA-3.0)
 

Jusqu’en 1971, Taïwan (la République de Chine), occupait le siège de la Chine à l’ONU, date à laquelle elle fut évincée au profit de la République Populaire de Chine. Dans les faits, Taïwan a une indépendance administrative et politique par rapport à la Chine continentale, mais son indépendance n’a jamais été proclamée ni par le gouvernement de l’île, ni par celui du continent.

Elle est donc considérée par l’ONU comme une province de la République Populaire de Chine, et par le gouvernement de Taïwan comme une province de la République de Chine, selon les dispositions de sa Constitution d’avant 1949.

Taïwan se classe au 15ème rang mondial en termes de PIB par habitant. C’est le 22e plus grand système économique du monde, se classant au premier rang des États non membres des Nations Unies. Aujourd’hui, Taïwan est perçu comme l’un des pays les plus libres du monde.

Les relations avec la Chine sont une des préoccupations prioritaires de la politique de Taïwan pour des raisons historiques, sociologiques, et géographiques, de nombreux taïwanais ont leur famille ou travaillent sur le continent.

Dans le cadre de la « politique d’une seule Chine », la République Populaire de Chine considère Taïwan comme sa 23ème province. Son poids économique et les pressions constantes exercées, permettent à Pékin d’isoler la démocratie taïwanaise, allant jusqu’à son exclusion de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Toutes les tentatives de Taiwan de réintégrer les Nations Unis ont été rejetées.

Taïwan bénéficie du statut d’observateur ou de membre associé auprès de vingt autres organisations intergouvernementales et structures affiliées, telles que l’OMC, l’APEC, l’OCDE, la BID ou encore la BERD. Taïwan a été évincé du FMI en 1980 par la Chine. De 2009 à 2016, Taïwan était invitée, chaque année, en tant qu’observateur à l’Assemblée Mondiale de la Santé, l’organe décisionnel de l’OMS qui dépend des Nations Unies.

L’Union Européenne lui reconnaît, parfois, une existence distincte de la République Populaire de Chine. Seuls 14 des 193 États membres de l’ONU, plus le Vatican, entretiennent des relations diplomatiques avec Taïwan. Cependant, en pratique, la plupart des pays ont des relations diplomatiques officieuses avec Taïwan par le biais de bureaux de représentation faisant office de consulats.

Taïwan se classe au 15e rang mondial en termes de PIB par habitant. C’est le 22e plus grand système économique du monde. (Image : Pexels / Pixabay)
Taïwan se classe au 15e rang mondial en termes de PIB par habitant. C’est le 22e plus grand système économique du monde. (Image : Pexels / Pixabay)
 

Pour la Nuova Bussola Quotidianoa, Taïwan est un modèle

Le 22 avril 2020, la Nuova Bussola Quotidianoa, journal italien en ligne, a publié l’interview de Li Xinying, le représentant de Taïwan en Italie. Il a indiqué que malgré l’exclusion injustifiée de son pays de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), Taïwan avait réussi sa lutte contre le coronavirus en excluant toute mesure de confinement.

Li Xinying affirme : « Nous soupçonnons l’OMS d’avoir ignoré, à la demande de la Chine, notre alerte de décembre concernant la possible transmission d’homme à homme. L’OMS restreint notre participation à 30% des activités de l’organisation, en raison du chantage et de l’influence du gouvernement de Pékin. L’OMS doit assumer sa responsabilité dans la propagation de l’épidémie en tant qu’autorité directrice dans le domaine de la santé à l’échelle planétaire ».

La Nuova Bussola Quotidianoa indique que malgré son isolement de la communauté internationale et son refus de reconnaissance de l’Italie, Taïwan est la mieux à même de prévenir la propagation du COVID-19, que la plupart des pays du monde. En effet, dès décembre, Taïwan avait commencé à mettre en place des mesures alors que la République Populaire de Chine ne reconnaissait toujours pas l’existence de l’épidémie.

Selon l’article, le ministre italien des Affaires Étrangères, Luigi Di Maio, a présenté la Chine comme un modèle dans la lutte contre l’épidémie. Quant à l’OMS, elle a, à plusieurs reprises, fait l’éloge de Pékin pour sa gestion de l’épidémie. Le résultat a été une pandémie provoquant 2,5 millions de cas et plus de 170 000 décès dans le monde.

Le journal rapporte que dès le 31 décembre 2019, le gouvernement taïwanais avait averti du risque de transmission interhumaine du virus, dans un courriel envoyé à l’OMS, au titre du Règlement Sanitaire International (RSI). Le RSI engage les 196 pays signataires à collaborer au profit de la sécurité sanitaire mondiale, tandis que l’OMS joue un rôle de coordination et aide les pays à renforcer leurs capacités, avec la collaboration de ses partenaires. Ainsi, l’OMS ne pouvait ignorer ni les dangers que représentaient le virus, ni les succès remportés par Taïwan dans la lutte contre sa propagation.

« La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain » est inscrit dans la Constitution de Taïwan. Aujourd’hui, son système d’assurance maladie est largement reconnu comme un des meilleurs au monde. Tv a appris comment utiliser son avantage de compétitivité dans les technologies de l’information et la médecine, pour améliorer son offre de soins, ainsi que l’état de santé de la population tout entière.

Taïwan, située à 130km de la Chine et comptant un peu plus de 23 millions d’habitants, déclarait, le 24 avril 2020, 428 cas confirmés et six décès. La propagation du virus n’a pas nécessité la mise en quarantaine des villes, et n’a pas eu d’incidence sur la vie quotidienne des habitants. Le « modèle taïwanais » est, sans nul doute, la meilleure stratégie anti-pandémie au monde.

« Taïwan peut aider ». Le slogan orne en grosses lettres les bâches recouvrant les caisses des 10 millions de masques donnés par l’île aux Etats-Unis, à l’Europe, dont la Suisse, et aux rares alliés diplomatiques encore fidèles.

L’OMS devrait faire preuve d’ouverture d’esprit et considérer Taïwan comme un atout important disposé à partager son expérience médicale. (Image : wikimedia / Derfel73; Canuckguy et al. / Domaine public)
L’OMS devrait faire preuve d’ouverture d’esprit et considérer Taïwan comme un atout important disposé à partager son expérience médicale. (Image : wikimedia / Derfel73; Canuckguy et al. / Domaine public)
 

Interview du représentant de Taïwan en Italie

Question : Selon vous, aurait-on pu éviter cette pandémie mondiale ?

Li Xinying : Si l’OMS avait tenu compte de l’avertissement de Taïwan il y a quelques mois, elle aurait pu empêcher cette pandémie qui a causé près de 200 000 décès ainsi que les pertes économiques et sociales.

Question : Qu’attendez-vous de l’OMS maintenant ?

Li Xinying : L’OMS devrait faire preuve d’ouverture d’esprit et considérer Taïwan, comme un atout important, disposé à partager son expérience médicale. Actuellement, Taïwan a un taux de mortalité lié au coronavirus de 1 pour 4 millions, alors que l’Italie, 1 pour 3 000. L’OMS devrait considérer Taïwan comme un pays souverain doté de son propre système de santé et nous inviter à devenir un État Membre, à l’instar de la République Populaire de Chine, en contrepartie d’une assistance technique et financière.

Question : Quel est le secret de Taïwan qui, sans mesure de confinement, n’a connu aucune infection depuis plusieurs jours et a permis aux écoles de rester ouvertes ?

Li Xinying : Taïwan a pris de l’avance, depuis la fin décembre 2019, en détectant plusieurs cas suspects, et en demandant des informations aux autorités de Pékin. Le système politique de l’autre côté du détroit de Taïwan est si différent, nous avons conscience que Pékin ne dit jamais toute la vérité. Par conséquent, sur la base de l’expérience acquise par Taïwan dans la lutte contre le syndrôme respiratoire aigu sévère (SRAS), il y a 17 ans, nous avons commencé très tôt à mettre en place des mesures destinées à prendre la température des habitants et à restreindre les vols en provenance de Chine.

Question : Comment fonctionne le système de santé à Taiwan ?

Li Xinying : À Taïwan, l’assurance maladie couvre 100 % de la population. Les citoyens disposent d’une carte à puce qui contient leurs données électroniques personnelles. Cette carte permet au gouvernement de suivre l’état de santé de la population et, à partir de là, d’identifier les patients présentant des symptômes et de les isoler de manière scientifique. La personne infectée a l’obligation de rester chez elle et une application assure le suivi. Si le patient quitte la maison en violation de la loi, une alarme se déclenche, il s’ensuit une condamnation.

Question : Quels conseils peut-on donner à l’Italie sur la base de l’expérience réussie de Taïwan dans la lutte contre l’épidémie ?

Li Xinying : Il est compliqué de se doter de l’infrastructure technique du niveau de Taïwan, telle qu’un grand nombre de dispositifs de reconnaissance de la fièvre. En 30 jours, Taïwana mis en place 60 chaînes de fabrication de masques, ce qui a permis d’augmenter considérablement leur production. Avant l’apparition du virus, Taïwan produisait 1,5 million de masques par jour. Aujourd’hui, le chiffre est de 15 millions par jour, ce qui multiplie par dix sa productivité. Le gouvernement taïwanais distribue aussi régulièrement des masques gratuits aux ménages, et l’ensemble de la population taïwanaise participe collectivement à la prévention de l’épidémie, ce qui permet de réduire efficacement les nouvelles infections.

Avant la mise au point d’un vaccin, le port du masque doit être obligatoire pour tous, ce qui n’était pas le cas en Italie avant le 5 avril 2020. Les masques devraient être produits localement, distribués gratuitement, et il est important de sensibiliser la population à la notion de responsabilité individuelle afin de contenir le virus.

Selon le media taïwanais Liberty Times, l’Italie a toujours eu de bonnes relations avec la Chine, cependant une action regroupant plus de 500 00 citoyens italiens a été entreprise pour une « poursuite en recours collectif contre le gouvernement chinois », et exige 100 milliards d’euros de compensation.

Alors que l’Italie était, dès la fin février 2020, le pays le plus gravement touché dans l’Union Européenne, Luigi Di Maio déclarait, lors d’un échange téléphonique le 10 mars 2020 avec le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, que l’amitié sino-italienne entre les deux pays sortirait renforcée de leur lutte commune contre le Covid-19. Il a remercié la Chine pour sa sollicitude et son soutien envers le pays. M. Wang l’a assuré de la coopération de son pays, ami et partenaire stratégique global de l’Italie.

Le Vatican s’est rapproché à plusieurs reprises de Pékin au cours de ces dernières années. (Image : wikimedia / Alvesgaspar / CC BY-SA)
Le Vatican s’est rapproché à plusieurs reprises de Pékin au cours de ces dernières années. (Image : wikimedia / Alvesgaspar / CC BY-SA)
 

Le Vatican se rapproche de la Chine

En outre, le magazine italien La Verita a rapporté que le Pape François pourrait se rendre à Wuhan, l’épicentre de la pandémie, afin d’assister au déconfinement de la ville et favoriser le dialogue entre la Chine et le Vatican.

Le 22 avril 2020, le bureau de presse du Saint-Siège a répondu par SMS à l’agence de presse UCAN - Union of Catholic Asian News - qu’en raison de l’épidémie mondiale prolongée, le Pape a annulé ou reporté plusieurs voyages prévus pour 2020, qu’aucun nouveau voyage n’est prévu dans un avenir proche et que le Pape ne visitera aucun pays, d’où l’hypothèse selon laquelle le voyage du Pape en Chine ne serait pas encore fixé.

Le Vatican, avec un total de 830 résidents, a signalé que sept membres du clergé, dont l’évêque de Rome, Mgr Donatis, ont été infectés par le virus, ce qui est beaucoup plus élevé que la moyenne nationale. On peut remarquer que le Vatican s’est rapproché à plusieurs reprises de Pékin au cours de ces dernières années. Pour exemple, le 14 février 2020, une rencontre entre Wang Yi et Mgr Paul R. Gallagher, secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les États, a été jugée historique. Alors que le Vatican et la République populaire de Chine n’entretiennent plus de relations diplomatiques depuis 1951 et qu’un certain nombre de groupes de défense de la liberté religieuse dénoncent un durcissement de la législation religieuse en Chine, sur la base notamment d’un nouveau règlement entré en vigueur le 1er février dernier. Dans son article 5, il demande aux organisations religieuses de « suivre la direction du Parti communiste de Chine » et de « poursuivre la sinisation des religions (…) et pratiquer les valeurs socialistes fondamentales ».

Comme le souligne le journal en ligne suisse, Letemps.ch : « Dans cette cacophonie, l’île pourra-t-elle gagner en visibilité ? ».

« La partie est mal engagée pour Taïwan tant les gouvernants européens sont à la merci des reproches de Pékin, qu’ils craignent comme des enfants en bas âge », estime Stéphane Corcuff, maître de conférences en politique du monde chinois contemporain en France. « Par contre », note-t-il, « l’image de la Chine a bien été écornée et celle de Taïwan bien améliorée. » Les soutiens d’élus ou d’universitaires occidentaux sur internet en témoignent. Ils font valoir qu’« exclure l’ancienne Formose de l’OMS revient à se priver de l’expertise taïwanaise dans la recherche de vaccins. Et que les ingérences de la Chine populaire politisent la gestion de la santé mondiale par l’OMS. »

Rédacteur Yao Xu avec la

Collaboration Farida L.

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