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Chine. Le régime chinois force les moines et les tibétains à assister à la démolition d’une statue de Bouddha de 30 mètres de haut

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Les autorités de la province chinoise du Sichuan ont procédé le mois dernier à la démolition d’une statue de Bouddha de 30 mètres de haut, obligeant les moines tibétains et d’autres résidents locaux à assister à la destruction.

Selon des sources tibétaines, la démolition de la statue ferait suite à des plaintes auprès des autorités chinoises indiquant que la statue était trop haute et violait les directives locales.

L’événement a eu lieu le 12 décembre à Drago (Luhuo en chinois), un comté de la préfecture autonome tibétaine de Kardze (Ganzi), située dans l’ouest du Sichuan. Selon des sources locales, 45 moulins à prières traditionnels destinés à être utilisés par les pèlerins tibétains et autres fidèles ont également été détruits.

Radio Free Asia (RFA) a rapporté l’événement pour la première fois le 4 janvier après avoir vérifié les faits, à l’aide d’images satellites. Les autorités chinoises ont obligé les moines du monastère de Thoesam Gatsel et les Tibétains vivant à Chuwar et dans d’autres villes voisines à assister à la démolition, qui a duré neuf jours.

« Les Tibétains locaux d’autres villages ont également été forcés de venir assister à la démolition », a déclaré un Tibétain vivant en Inde, s’exprimant sous couvert d’anonymat pour protéger les membres de sa famille qui vivent encore à Drago. « De nombreux policiers ont également été déployés sur le site afin d’empêcher les gens de prendre des photos, des vidéos ou de créer des perturbations. »

« C’était comme pendant la Révolution culturelle (1966-76), lorsque le gouvernement chinois a détruit tout ce qui était ancien au Tibet », a déclaré la source à RFA.

« En plus de la statue de Bouddha, les moulins à prières érigés près du monastère de Drago ont également été détruits, et la manière dont ils ont orchestré cette démolition était très irrespectueuse », a déclaré un autre Tibétain vivant en Inde, s’exprimant également sous couvert d’anonymat afin de protéger ses sources des représailles pour avoir dénoncé la politique du gouvernement.

Le régime chinois force les moines et les tibétains à assister à la démolition d’une statue de Bouddha de 30 mètres de haut
Les autorités de la province chinoise du Sichuan ont procédé le mois dernier à la démolition d’une statue de Bouddha de 30 mètres de haut, obligeant les moines tibétains et d’autres résidents locaux à assister à la destruction. (Image : wikimedia / EPiCphotos (Eileen P. Collins) / CC BY-SA 4.0)

Même si les Tibétains sont majoritaires dans la région autonome du Tibet (ou région autonome du Xizang), des communautés importantes de ce groupe ethnique adepte du bouddhisme, vivent dans les provinces du Sichuan et du Qinghai. Bien que le Parti communiste chinois (PCC) parle de l’ethnie tibétaine comme de l’une des « 56 fleurs » (en faisant référence aux 56 groupes ethniques officiellement reconnus en Chine) il a sévèrement réprimé leur religion, leur langue et leur culture. Des centaines de milliers de Tibétains auraient été tués sous le régime communiste depuis les années 1950.

Le département d’État américain a déclaré dans un communiqué que l’administration Joe Biden était « profondément préoccupée » par les informations faisant état de la destruction de la statue et des abus subis par les résidents tibétains aux mains des autorités du PCC.

« Nous continuons d’exhorter les autorités de la RPC à respecter les droits humains des Tibétains et la préservation de l’environnement du Tibet ainsi que l’identité culturelle, linguistique et religieuse unique des traditions tibétaines », a déclaré le département d’État cité par RFA.

« Nous travaillerons avec nos partenaires et alliés pour faire pression sur Pékin afin qu’il mette fin aux abus actuels contre les Tibétains et qu’il reprenne le dialogue direct avec le Dalaï Lama ou ses représentants tibétains, sans conditions préalables, pour résoudre les différends. »

Détruire l’identité tibétaine

Le chef du comté de Drago, Wang Dongsheng, qui a supervisé les travaux de démolition, avait déjà été impliqué dans la destruction de l’Académie bouddhiste Larung Gar du Sichuan, une opération qui a vu des milliers de moines et de nonnes expulsés des temples et de leurs logements.

« Nous assistons maintenant au même type de destruction ici à Drago et aux restrictions imposées aux Tibétains de la région », a-t-il déclaré.

« C’est un fait que la statue est maintenant presque entièrement détruite et que les Tibétains locaux ont été forcés d’assister à ces événements, les autorités ayant déclaré que cela donnerait une leçon aux Tibétains », a ajouté Wang.

La construction de la statue de Bouddha à Drago s’est terminée en 2015, avec une contribution financière d’environ 40 millions de yuans (6,3 millions de dollars) par les Tibétains locaux et ceux vivant à l’étranger. Elle était conçue pour résister aux tremblements de terre, selon un ancien résident de Drago du nom de Palden.

« Elle a été construite avec l’entière approbation des autorités locales », a déclaré Palden, ajoutant que les autorités chinoises ont ensuite invalidé les documents, déclarant que la statue était trop haute.

« Mais en réalité, leur intention est de détruire complètement l’identité du Tibet en éradiquant la religion et la culture tibétaines », a-t-il ajouté.

Les autorités chinoises ripostent

En réponse aux protestations suite à la démolition de la statue, les autorités de la province du Sichuan ont commencé à « battre et arrêter des moines tibétains soupçonnés d’avoir informé des contacts extérieurs de la destruction de la statue sacrée », selon des sources tibétaines.

Selon RFA, onze moines du monastère Gaden Namgyal Ling de Drago, soupçonnés d’avoir envoyé des informations et des photos de la destruction de la statue à des contacts en dehors de la région, ont été arrêtés par les autorités chinoises, a révélé une source tibétaine en exil.

« Les moines ont été brutalement battus et n’ont pas reçu de nourriture en prison, et l’un d’eux a été battu si brutalement qu’un de ses yeux est gravement blessé », a déclaré la source. « Et invoquant ce qu’elles appellent l’attitude indifférente des Tibétains locaux, les autorités chinoises obligent certains d’entre eux à rester dehors, sans vêtements, dans un froid glacial. »

Persécution à grande échelle

Ce n’est pas la première fois que les autorités chinoises tentent d’éradiquer le patrimoine culturel et les croyances religieuses des Tibétains et d’autres minorités ethniques.

Le mois dernier, un rapport publié par le Tibet Action Institute décrivait comment des enfants tibétains âgés d’à peine quatre ans avaient été contraints de fréquenter un vaste système d’internat créé par le régime chinois. Selon le rapport, les élèves de ces écoles recevraient une éducation « politisée », principalement en chinois, et ne pourraient pas pratiquer les traditions tibétaines.

Tenzin, un Tibétain vivant aujourd’hui aux États-Unis et qui a fréquenté l’un de ces internats en Chine, a déclaré : « Aujourd’hui, des enfants âgés d’à peine cinq ans sont arrachés à leur ville natale et à leur environnement pour être placés dans ce système scolaire. Lorsque vous êtes coupé de votre langue, de votre culture et de votre histoire, vous perdez le sens de qui vous êtes, et finalement vous avez l’impression de perdre le tissu même de votre humanité. Vous ne vous sentez pas complet ».

Le PCC a longtemps ciblé les minorités religieuses pour les assimiler violemment à son idéologie athée. Outre les bouddhistes tibétains, le Parti a envoyé plus d’un million de Ouïghours - une ethnie musulmane - dans des camps de concentration dans leur région natale du Xinjiang et dans toute la Chine. Les chrétiens chinois et les pratiquants de Falun Gong sont également persécutés depuis des décennies.

Rédacteur Fetty Adler

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