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Tradition. La Cité interdite : 600 ans de majesté en Chine

CHINE ANCIENNE > Tradition

Cour extérieure permettant d’accéder au Palais de l’Harmonie suprême. (Image : Wikipédia / Gisling / CC BY 3.0)
 

Construite entre 1406 et 1420, la Cité interdite de Pékin célèbre cette année ses 600 ans de vie associée au règne des plus grands empereurs chinois.

A cette occasion, nombreux sont les pays qui célèbrent cet anniversaire, à l’image de l’institution de la Monnaie de Paris qui édite une pièce à l’effigie de l’emblème de la Chine antique.

Il faut remonter à l’an 1368 pour mieux appréhender les raisons de la construction à Pékin de cet ensemble architectural exceptionnel, considéré comme le plus vaste monument antique avec ses 72 hectares de superficie.

Lors de la fondation de la dynastie Ming, il fut décidé d’établir la capitale ainsi que son palais impérial à Nanjing. À la mort du premier empereur des Ming, Hong Wu (aussi nommé Taizu), c’est son petit–fils, Jianwen qui devait lui succéder. Mais Yongle, le fils de l’empereur, ne l’entendait pas de cette oreille et il s’est emparé du pouvoir. En 1402, il a renversé son neveu, devenant ainsi le 3ème empereur des Ming.

Supportant peu la chaleur humide de Nanjing tout en souhaitant asseoir son autorité dans un ancien fief mongol, il établit sa capitale à Beijing.

La Cité interdite, un « château-fort » reliant le Ciel et la Terre

La « Cité pourpre interdite » sera édifiée à l’emplacement de l’ancien palais mongol, au cœur de l’axe central nord-sud de Pékin.

Les empereurs chinois étant considérés comme les fils du Ciel, les plans du Palais devaient suivre les principes harmonisant Ciel et Terre, tels que les lois du Yin et du Yang ainsi que les Cinq Eléments (Métal, Eau, Bois, Feu et Terre) qui forment toute chose dans l’Univers. Il est dit ainsi que « l’Homme suit la loi de la Terre, la Terre suit la loi du Ciel, le Ciel suit la loi du Tao, le Tao suit la loi de la Nature ».
 

lan de la cité interdite.Les lettres en rouge sont utilisées pour localiser les principaux bâtiments. - - - Ligne de séparation approximative entre les cours intérieure (au nord) et extérieure (au sud). A. Porte du Midi B. Porte de la Prouesse Divine C. Porte de la Gloire occidentale D. Porte de la Gloire orientale E. Tours d'angle F. Porte de l'Harmonie Suprême G. Pavillon de l'Harmonie Suprême H. Pavillon de la Prouesse Militaire J. Pavillon de la Gloire Littéraire K. Trois places du Sud L. Pavillon de la
Plan de la cité interdite. Les lettres en rouge sont utilisées pour localiser les principaux bâtiments. - - - Ligne de séparation approximative entre les cours intérieure (au nord) et extérieure (au sud). A. Porte du Midi B. Porte de la Prouesse Divine C. Porte de la Gloire occidentale D. Porte de la Gloire orientale E. Tours d'angle F. Porte de l'Harmonie Suprême G. Pavillon de l'Harmonie Suprême H. Pavillon de la Prouesse Militaire J. Pavillon de la Gloire Littéraire K. Trois places du Sud L. Pavillon de la Pureté Céleste M. Jardin impérial N. Pavillon de la Nourriture de l'Esprit O. Pavillon de la Longévité Tranquille. (Image : Wikipédia / Tommy Chen (Sumple) / CC BY-SA 3.0)
 

C’est un véritable « château-fort » qui est construit, principalement en bois, encerclé par d’immenses douves de 52 mètres de longueur, et de remparts de 10 mètres de hauteur. Quatre tours d’angle viennent compléter le système de défense. Les murailles sont percées de quatre portes orientées vers le sud, le nord, l’est et l’ouest, dénommées respectivement la « Porte du Midi » porte principale tournée vers la place Tiananmen, la « Porte de la Prouesse divine », la « Porte de la Gloire occidentale », et la « Porte de la Gloire orientale ».

En entrant par la Porte du Midi, on accède d’abord à une succession de vastes places « intérieures » et « extérieures », puis aux palais de réception de l’empereur. Dans ces trois palais, les palais de l’Harmonie suprême, de l’Harmonie parfaite et de l’Harmonie préservée, l’empereur organisait ses réunions de travail et présidait les grandes cérémonies.

Au nord, la cité regroupait les palais privés de la famille impériale, pour un total de 90 palais et cours et 9 999,5 pièces !
 

Trône impérial dans le palais de Pureté céleste. (Image : Wikipédia / DF08 / CC BY-SA 3.0 )
Trône impérial dans le palais de Pureté céleste. (Image : Wikipédia / DF08 / CC BY-SA 3.0)
 

En effet, selon la légende, seuls les dieux du ciel tel que l’Empereur de Jade, pouvaient avoir un palais comptant 10 000 pièces ou plus. L’empereur sur Terre ne pouvait que s’en rapprocher avec humilité, d’où les 9999,5 pièces érigées entre les murailles de la Cité.

Le palais fut dénommé « Cité interdite », car seuls les membres de la famille impériale et leurs serviteurs étaient admis à y pénétrer. Autour des murailles, tout le monde n’était encore pas autorisé à y circuler et ceux qui le faisaient ne devaient jamais tourner la tête en direction de celles-ci. Des soldats armés veillaient au respect de la règle…

Aujourd’hui, la Cité interdite ne l’est plus vraiment, puisque 60% des bâtiments sont ouverts à la visite. D’où ce nouveau nom donné par les Chinois, le « Palais ancien »

Un palais sous le signe des 5 éléments et des animaux protecteurs de l’empereur et de ses trésors

Entre 1420 et 1911, 24 empereurs des dynasties Ming et Qing se sont succédé dans la Cité interdite, enfreignant ainsi la règle qui voulait qu’à chaque changement de dynastie, un nouveau palais impérial soit construit et l’ancien abandonné.

En effet, lorsque les Mandchous prennent le pouvoir en 1644, ils installent une nouvelle dynastie, celle des Qing, mais ne se résoudront pas à abandonner la magnificence et le faste de la Cité pourpre. Ils y installent donc la cour impériale.

Il faut dire que la beauté des lieux est visible de loin. Pour bien appréhender le site, un petit tour s’impose dans le parc voisin de Jinshang, qui inclut, entre autres, la colline du Charbon, monticule artificiel formé avec la terre des déblais résultant du creusement des douves entourant la Cité. De là, on aperçoit le chatoiement des toits jaune d’or entourés des murs rouges. Si le jaune et le rouge dominent les couleurs de la cité interdite, ce n’est pas un hasard, mais un héritage spirituel venant des dynasties précédentes.

En effet, pendant la dynastie Han, les astrologues ont établi un lien entre les Cinq éléments, les directions et les couleurs : selon leurs observations, la terre, correspondant au centre, est jaune, le bois signifiant l’est, est vert, le feu, correspondant au sud, est rouge et le métal représente l’ouest et est blanc, et enfin, l’eau, assimilée au nord est noire. Le jaune étant assimilé au centre, les empereurs de la dynastie Han ont donc choisi cette couleur pour les représenter. Les dynasties Ming et Qing ont conservé et renforcé cette croyance, le jaune étant réservé aux vêtements et aux véhicules de l’empereur. De même, les toits jaunes et les murs rouges sont ainsi devenus une exclusivité de la famille impériale.

Ces couleurs jaune et rouge se retrouvent même dans les petits matériaux utilisés : ainsi les portes rouges sont cerclées d’une série de 9 clous dorés, le chiffre 9 étant associé à l’éternité.
 

Lions de bronze à l’entrée du Palais de l’Harmonie Suprême (Image : Wikipédia / CC-BY-SA-3.0)
Lions de bronze à l’entrée du Palais de l’Harmonie Suprême (Image : Wikipédia / CC-BY-SA-3.0)
 

Outre les couleurs, les bâtiments sont ornés de statues représentant des animaux, symbole de sécurité, de paix et d’harmonie. Les deux lions de bronze situés à l’entrée de la salle de l’Harmonie suprême représentent à la fois la puissance du « roi des animaux » et suivent le principe taoïste du Yin et du Yang. En effet, les lions étaient toujours placés en couple, le mâle situé à gauche de l’entrée (la gauche correspondant au Yang) et la femelle à droite, en tant que Yin. Traditionnellement, le mâle tient un globe sous sa patte avant droite, symbole de l’unité de l’empire. La femelle affiche un louveteau posé sur sa patte avant gauche, symbole de fertilité et de prospérité.

Les tortues de bronze qui saluent les visiteurs à l’extérieur du Hall de la salle de l’Harmonie suprême constituent aussi un symbole fort, marquant la longévité. Avec elles, la grue était aussi respectée pour sa longévité. Les deux tortues et les deux grues de bronze rendent ainsi hommage à la gloire de l’empereur et à son règne éternel.

Entre les murs des palais, des trésors de tous âges et de toutes formes se sont accumulés pendant presque cinq siècles. Peintures, objets en terre, bronze, or ou jade, calligraphies fines sont autant de témoins de la très riche et longue histoire de la Chine.

En 1948, Tchang-Kaï-Chek, ancien dirigeant de la République de Chine est sur le point de s’exiler à Taïwan. Face à la menace communiste, il décide alors de transporter quelques 680 000 œuvres d’arts vers Taïwan. En dépit des attaques militaires, la précieuse cargaison, transportée en cinq fois, arrivera à bon port.

Aujourd’hui, la Cité interdite, rebaptisée « Musée du Palais », permet d’admirer quelques milliers de pièces magnifiques, complétées par celles du Musée national du Palais à Taipei (Taïwan).
 

Œuvre picturale de Zhang Zeduan (1085 -1145) dénommée « Le Jour de Qingming au bord de la rivière ». (Image : wikimedia / Zhang Zeduan / Domaine public)
Œuvre picturale de Zhang Zeduan (1085 -1145) dénommée Le Jour de Qingming au bord de la rivière. (Image : wikimedia / Zhang Zeduan / Domaine public)
 

Ainsi, au Musée du Palais, on pourra admirer la célèbre œuvre de Zhang Zeduan, peintre officiel de l’empereur Huizong (1100 -1126). La peinture dénommée Le jour de Qingming au bord de la rivière, a été peinte sur un rouleau à main et illustre le quotidien de la population, toutes classes sociales confondues, le long de la rivière Bianhe dans l’ancienne capitale Bianjing. Styles vestimentaires des quelques 500 habitants représentés, architecture, bateaux, ponts… la précision du trait constitue une formidable plongée dans la vie quotidienne médiévale chinoise pendant le festival de Qingming.

L’œuvre favorite de l’empereur Puyi a acquis une telle renommée qu’elle est désignée parfois comme la « Joconde de Chine ».
 

Chou chinois en jade. (Image : wikimedia / Musée national de Taïpei / Domaine public)
Chou chinois en jade. (Image : wikimedia / Musée national de Taïpei / Domaine public)
 

Le Musée national du Palais de Taipei expose le célèbre chou chinois et son criquet en jade bicolore, datant de la dynastie Qing (1644 – 1912). En effet, la pièce a été sculptée d’un seul bloc, la tige du chou sculptée dans la partie blanche, tandis que les feuilles surmontées du criquet sont creusées dans sa partie verte. Elle a été désignée comme l’« œuvre d’art la plus célèbre » de tout le Musée national du Palais.
 

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