Appuyez sur “Entrée” pour passer au contenu

France. 5G, un déploiement sous tension sanitaire et politique

ACTUALITÉ > France

Que sait-on vraiment de cette nouvelle technologie ? (Image : ADMC / Pixabay )
Que sait-on vraiment de cette nouvelle technologie ? (Image : ADMC / Pixabay)

Depuis quelques semaines, plusieurs informations circulent sur le déploiement de la 5ème génération de téléphonie mobile en France ainsi que de ses effets sur la santé.

Que sait-on vraiment de cette nouvelle technologie ?

Son déploiement en France était prévu pour le printemps 2020. La crise sanitaire du Covid-19 et le confinement engendré ont donc stoppé temporairement l’installation des premières antennes relais qui auraient permis le lancement des premières offres 5G pour la fin 2020.

Une multiplicité des ondes pour davantage de confort ?

« Le déploiement de la technologie 5G vise à développer des services innovants dans de multiples domaines comme la santé, les médias, les transports ou encore les industries du futur. Elle s’appuiera sur de plus grandes capacités de transfert de données mobiles, en quantité et en vitesse, pour proposer une plus grande offre de services sans-fil et favoriser le développement d’objets interconnectés », selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Anses).

l’Anses précise que, pour ce faire, « les fréquences déjà utilisées par les précédentes générations de téléphonie mobile (2G, 3G, 4G) seront exploitées, ainsi que deux nouvelles bandes de fréquences : dans un premier temps, la bande 3,5 GHz pour la couverture en téléphonie mobile 5G dans des zones géographiques étendues, puis les années suivantes, la bande 26 GHz pour la communication entre des objets connectés ou pour de la téléphonie mobile dans des périmètres restreints. »

Outre une rapidité de débit 10 à 100 fois plus importante que la 4G, cette nouvelle technologie améliorera sensiblement le contrôle d’objets à distance tels que les drones, les assistants vocaux ou les voitures connectées, mais aussi rendrait de réels services en télémédecine, notamment dans les pays où il y a un manque de personnel médical qualifié. La technologie 5G devrait améliorer la qualité d’image transmise et ainsi augmenter les chances de succès des opérations chirurgicales.

Seulement, ces ondes millimétriques offrant des fréquences plus élevées présentent aussi une portée bien plus courte et sont aussi facilement absorbées et stoppées par les constructions, les intempéries ou encore des rangées d’arbres, selon la société de télécommunication Orange. Leur déploiement nécessitera alors une multiplication des antennes-relais avec une pose probable toutes les 10 ou 12 maisons en zone urbaine. Le recours à des « small-cells », des mini-antennes directionnelles intégrées dans le mobilier urbain et reliées aux « antennes-mère », sera aussi nécessaire.

La multiplicité des ondes de la 5G aura-t-elle des effets sur la santé ? (Image : Ria Sopala / Pixabay)
La multiplicité des ondes de la 5G aura-t-elle des effets sur la santé ? (Image : Ria Sopala / Pixabay)
 

Faut-il redouter des effets sur la santé ?

Face à la multiplicité de ces antennes et récepteurs dans l’environnement proche de la population, de nombreuses voix s’élèvent contre les éventuels effets pervers sur la santé. C’est le cas par exemple du Centre de recherche et d’information indépendant sur les rayonnements électromagnétiques (CRIIREM), qui dénonce une exposition massive de la population à des niveaux de rayonnement « des dizaines à des centaines de fois plus grands que ce qui existe aujourd’hui ». Dès 2017, 171 scientifiques, issus de 37 pays dont la France, ont réclamé un moratoire sur le déploiement de la 5G.

En France, c’est l’Anses qui est chargée de conduire une étude sur les effets sanitaires de la 5G. En janvier dernier, elle publiait un rapport préliminaire qui alerte sur « un manque important, voire une absence de données relatives aux effets biologiques et sanitaires potentiels dans les bandes de fréquences considérées. »

Le 11 mars 2020, la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants présentait les conclusions de son étude : « Nous avons pris en compte tous les types d’effets, par exemple si les ondes radio engendraient le développement d’un cancer sur le corps humain. Il n’y a pas suffisamment de preuves scientifiques pour conclure qu’il y a un tel effet », déclarait le Docteur Eric van Rongen, président de l’ICNIRP, à la BBC.

Si l’éventualité des effets sanitaires semble nécessiter encore des études plus poussées, l’impact énergétique de ces installations est aussi suivi de près, comme le présente l’astrophysicien Aurélien Barrau dans la vidéo ci-dessous : 


 

Un déploiement sous fond d’espionnage ?

Samedi 4 avril, Mark Green, membre du Parti républicain et élu à la Chambre des représentants des États-Unis en 2018, déclarait à la chaîne Fox News que Pékin aurait négocié avec la France l’utilisation de Huawei pour la 5G contre un milliard de masques : « En France, on nous a dit hier lors d’une conférence téléphonique que Macron parlait à Xi Jinping et Macron a demandé un milliard de masques. Xi a répondu : Nous vous les donnerons si vous implémentez la 5G avec Huawei. »

Mark Green a déclaré sur Fox News que Pekin aurait négocié avec la France le choix de Huawei pour la 5G contre un milliard de masques. (Image : Capture d’écran Twitter)
Mark Green a déclaré sur Fox News que Pekin aurait négocié avec la France le choix de Huawei pour la 5G contre un milliard de masques. (Image : Capture d’écran Twitter)
 

Dimanche 5 avril, ces accusations étaient d’abord relayées par un tweet de l’eurodéputé du Rassemblement national Jérôme Rivière, puis rapidement démenties par l’Ambassade de France aux Etats-Unis. « Ce point n’a pas été soulevé, ni lors de la dernière discussion entre le président Macron et le président Xi ni au cours d’autres échanges », soulignait la représentation française.

Lundi 6 avril, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, annonçait que deux milliards de masques provenant de Chine allaient être livrés de manière échelonnée jusqu’à juin 2020. « Le pont aérien que nous avons mis en place se déroule et les masques commandés arriveront (par) toute une série de vols qui vont s’échelonner d’ici la fin du mois de juin », déclarait-il sur BFMTV.

Cela reflète une tension bien palpable quant aux équipementiers et opérateurs chargés d’installer la 5G en France.

Huawei, des télécommunications au service de l’espionnage chinois ? (Image : Gerd Altmann / Pixabay)
Huawei, des télécommunications au service de l’espionnage chinois ? (Image : Gerd Altmann / Pixabay)
 

Aux Etats-Unis, le géant chinois des télécommunications Huawei a été exclu de toute collaboration avec les entreprises américaines, les services de renseignement américains soupçonnant l’opérateur d’être financé par les services de sécurité chinois. En décembre 2019, le Wall Street Journal révélait ainsi que Huawei aurait bénéficié de la part du régime chinois d’une panoplie de subventions, allégements fiscaux et facilités de crédits à hauteur de 68 milliards d’euros.

Le Pentagone craint en effet que Huawei, en installant la 5G dans le pays, ne collecte les données privées des citoyens et des entreprises pour ensuite les transférer aux services de renseignement de Pékin. Le 24 décembre dernier, Robert O’Brien, conseiller américain pour la sécurité nationale, mettait en garde le Royaume-Uni contre l’utilisation des technologies Huawei dans le déploiement de la 5G, précisant ainsi au Financial Times : « Si vous obtenez toutes les informations sur une personne, puis vous obtenez son génome, et vous mariez ces deux choses, et vous avez un État autoritaire qui détient ces informations, c’est une quantité incroyable de pouvoir ».

Faisant ensuite référence aux pays, tels que le Japon ou l’Australie qui ont aussi choisi de se passer des services du leader chinois des télécommunications, Mr O’Brien a déclaré que ces pays « commencent à comprendre que laisser entrer Huawei dans leur pays, c’est comme laisser entrer le cheval de Troie dans Troie »

En France, pour l’heure, ce sont quatre opérateurs nationaux, Free, Orange, Bouygues Télécom et SFR qui devraient être départagés prochainement lors d’enchères pour l’attribution d’une partie des bandes de fréquence nécessaires au lancement de la 5G.

Quant aux équipements, le 27 février dernier Huawei a annoncé qu’elle va installer en France sa première usine de production d’équipements radio pour la 5G. Ce site serait le premier existant hors de Chine. L’équipementier prévoit de produire près d’un milliard d’euros d’équipement par an, mais n’a pas encore précisé le lieu d’implantation de l’usine ni quand celle-ci débutera son activité.

Au-delà des avantages que procurera le déploiement de cette 5ème génération de téléphonie en termes de confort essentiellement, les effets sur la santé des multiples ondes générées ne sont encore pas connus. Parallèlement, les enjeux politiques masqués derrière les marchés d’équipementiers et les tensions engendrées entre certaines puissances quant à la crainte d’un éventuel espionnage dépassent un simple cadre économique, on peut alors se demander si la mise en place d’une telle technologie en vaut vraiment la peine.
 

Soutenez notre média par un don ! Dès 1€ via Paypal ou carte bancaire.